Permis de construire par pierrick_D_

Romain Leblanc,dentiste parisien,est informé par un notaire qu'il vient d'hériter d'un terrain en bord de mer situé en Corse,légué par son père,qui l'a abandonné enfant et dont il ignorait le décès.Il débarque sur l'île de Beauté et rencontre Santu Falcucci,un patron de bistrot qui veut l'aider car son père avait autrefois été sauvé par celui de Romain.Le parigot voudrait accomplir les dernières volontés de son paternel,faire construire une maison sur ce terrain,mais on est en Corse et les coutumes locales diffèrent considérablement des lois françaises.Humoriste sous le nom de Pido,puis comédien,Eric Fraticelli s'est récemment lancé à fond dans la réalisation,"Permis de construire" étant le premier des trois films qu'il a shooté en deux ans,et un "Permis de détruire" est annoncé pour bientôt.Il s'agit du genre de comédie lambda dont on n'attend a priori rien,et en ce sens c'est mieux que prévu.Fraticelli,qui a coécrit le scénario avec sa vedette Didier Bourdon,tente de surfer sur la nouvelle mode du Corse Movie,notre vingtième département étant devenu depuis quelques années le cadre d'une tapée de comédies dont la caractéristique commune est leur médiocrité,de "Belle fille" à "Itinéraire bis",en passant par "Les Francis" ou "Fratè".Du coup notre cinéaste en herbe n'a pas trop de mal à évoluer un cran au-dessus de ces galéjades.Il ne faut pas s'emballer non plus,c'est filmé mollement et platement,heureusement que les magnifiques paysages rattrapent un peu le coup,Fraticelli ayant au moins su filmer ça.Quant à l'histoire,c'est à la fois simpliste,décousu et répétitif,Romain et Santu devant se livrer à un continuel combat pour obtenir la fameuse autorisation de bâtir,ce qui s'avère ardu entre le berger qui veut garder un droit de passage pour ses chèvres,la mairie qui entend faire circuler par là un chemin de randonnée,les écolos qui désirent préserver les déplacements des limaces et une bande de nationalistes qui n'a pas envie de voir s'installer un pinzutu,à savoir un non-corse.Les deux gars vont se débattre de petits arrangements en magouilles,et mentir effrontément pour faire aboutir le projet.Pas facile,d'autant que des dissensions existent entre le dentiste,un gros con volontiers désobligeant avec les autochtones,et le cafetier peu enclin à ravaler sa fierté originelle.Mais on le sait,les emmerdes ça rapproche,et il deviendront évidemment les meilleurs amis du Monde car l'extrême prévisibilité s'est aussi invitée à la fête.On sent bien venir les évènements de ce récit codifié par des centaines d'années de comique français bas de gamme,comme avec la fonction décisive de Cécile,l'épouse de Romain,qui est comportementaliste animale et va forcément se mettre dans la poche l'éleveur de chèvres ou le maire,une dame très attachée à son petit chien.Sur le fond,Fraticelli tente une série d'acrobaties avec salto arrière en essayant de faire ricaner à propos des corses,tous les clichés les concernant étant joyeusement égrenés,tout en tentant d'en dresser un portrait flatteur,opération ô combien délicate.Il décrit donc ses compatriotes comme des gens taiseux,ombrageux,anti-touristes,se foutant royalement des lois de la République et désagréables qui s'épanouissent dans toutes sortes de combines mafieuses et peuvent encore s'il leur en prend l'envie faire sauter des baraques tout en proclamant que la lutte armée c'est fini depuis belle lurette.Mais attention,il faut les connaître et on découvre alors des gens très gentils,serviables et amicaux si on les respecte.Cet exercice d'équilibriste ne convainc pas du tout,mais ça permet aux auteurs de brosser des portraits de personnages très amusants,de sortir à l'occasion des dialogues hilarants et de rendre vraiment marrantes certaines situations,ce qui dans le marasme du ciné comique hexagonal est après tout pas si mal,d'autant qu'on découvre au passage la désopilante mangagna,une technique d'humour insulaire qui consiste à prononcer des phrases inquiétantes avec le plus grand sérieux,alors qu'il s'agit de blagues..Le "Permis de détruire" qui devrait arriver incessamment,avec la même équipe,est par contre de nature à faire redouter le pire,ce qui nous évitera d'être déçus.Les comédiens s'en sortent bien et font le show avec conviction,en dépit du manque de rythme du récit.Le duo Bourdon,le continental obtus,et Fraticelli,le Corse débrouillard et sympa,fonctionne assez bien et porte le film.Leurs épouses sont une Anne Consigny,déjà mariée à Bourdon dans "Bambou",qui apparait ici très tapée et moyennement à l'aise,et l'excellente autant qu'inconnue Véronique Volta en maire plantureuse.Leur présence autorise le couplet féministe indispensable quand on veut exonérer une société patriarcale confite dans son machisme,en montrant les nanas beaucoup plus matures et intelligentes que leurs gamins de mecs,sans oublier de préciser que l'émancipation féminine sur l'île a largement précédé celle de la métropole.Simon Abkarian nous sert encore un grand numéro en architecte allemand totalement allumé qui a des airs de Karl Lagerfeld.Le réalisateur a embauché plein de copains corses comme Michel Ferracci,également producteur associé,Philippe Corti,l'ancien DJ des émissions d'Ardisson,ou la chanteuse Patrizia Gattaceca,irrésistible en femme de ménage autoritaire.Autre pote,l'hallucinant Jean-François Perronne,fantastique en hôtelier impassible,tandis que les scènes parisiennes du début font intervenir Laurent Gamelon et Frédérique Bel en couple passant son temps à s'engueuler,un humour qui ne marche pas,Daniel Russo en banquier versatile et Philippe du Janerand en notaire annonçant un héritage à Bourdon,ainsi que le faisait Henry Courseaux,l'homme au jus de fruit,dans "Les trois frères".