Histoire d'amour lesbien au cœur de la guerre

Michal Vinik parvient à dresser le portrait d’une jeunesse courageuse, rêveuse et entêtée qui bien que vivant la guerre chevillée au corps, n’en réclame pas moins le droit d’aimer envers et contre tous.


« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans »… Le premier vers de Roman d’Arthur Rimbaud pourrait à lui seul résumer PETITE AMIE (BARASH), le premier long-métrage de la réalisatrice israélienne Michal Vinik. Déjà sélectionné dans près de vingt festivals internationaux dans la section LGBT, PETITE AMIE n’est pas sans rappeler de loin La Vie d’Adèle sans pour autant véritablement l’égaler. Michal Vinik dresse le portrait d’un amour d’adolescence ; enivrant, incandescent et fugace, comme il est commun d’en vivre à cet âge-là. Tout comme Abdellatif Kechiche l’avait fait, Michal Vinik parvient à transcender dans une certaine mesure la notion de genre pour faire de ce parcours initiatique au féminin un récit universel. Bien plus qu’une histoire d’amour lesbienne PETITE AMIE est avant tout une peinture de la jeunesse orientale (là encore on peut penser à Mustang) où gravitent et s’entremêlent autour de la rencontre amoureuse toutes sortes de préoccupations : la famille, l’école, les amis, la tradition mais en tout premier lieu la fervente intention de vivre, s’éprouver, s’émanciper et d’aller à la rencontre de soi.


À l’origine de PETITE AMIE , il y avait l’envie de la réalisatrice de faire un film « à propos de nous, les femmes telles qu’[elle] les connais : fortes, vivantes, et audacieuses. ». Des rebelles « normales », des lesbiennes à « l’échelle locale » dans un paysage cinématographique qui ne les représente que peu, préférant encore trop souvent lier la question de l’homosexualité à une dramaturgie rocambolesque. Pour Michal Vinik, dont l’inspiration est relativement autobiographique, il était ni plus ni moins question de faire de ses héroïnes des jeunes filles dans l’air du temps, de rendre compte de l’errance inhérente à leur âge et de leurs questionnements intimes. Pour autant, la réalisatrice ne saurait faire fi du contexte. Le pays est en guerre, la vie est soumise au carcan d’une société militarisé, du poids de la dimension religieuse et de la hiérarchisation particulière que les femmes subissent dans l’organigramme familial et sociétal. La réalisatrice nous parle des filles, certes, de toutes les filles, à la différence fondamentale que celles-ici vivent en Israël, en 2017.


PETITE AMIE repose donc sur un parti-pris hautement naturaliste qui permet à la réalisatrice de disserter autour de la question des amours interdits. Si Naama découvre son attirance sexuelle pour les femmes, sa grande sœur Liora, elle, fugue de sa base militaire (juive) pour vivre son amour avec un homme musulman dans une ville arabe. Sexualité, religion, ordre établi… Autant d’entraves à la liberté dont l’adolescence est assoiffée que Naama transcende par la prise de drogues dures au son électro des boites de nuit de la banlieue de Tel Aviv. D’ailleurs, les scènes de nuit donnent lieu à de belles envolées visuelles et esthétiques et constituent à l’échelle du film l’écrin voluptueux de la scène de la « première fois » toute luminosité et en blancheur pure. On accroche grâce à ces fulgurances, nombreuses il faut le reconnaître, sans pour autant véritablement être bouleversé ou ému. La faute, peut-être, à un scénario qui pèche par excès de pudeur et qui peine a trouver son équilibre entre récit intime et intrigue secondaire.


Malgré la fragilité de l’écriture, PETITE AMIE jouit d’une mise en scène sensible, parfois sensorielle, globalement sans fausse note. Un premier long-métrage qui mérite que l’on s’y attarde même s’il souffre (en tout cas pour le spectateur français) de sa comparaison avec d’autres films traitant de sujets similaires, desquels il ne parvient pas a égaler la force. Michal Vinik dresse cependant le portrait d’une jeunesse courageuse, rêveuse et entêtée qui bien que vivant la guerre chevillée au corps, n’en réclame pas moins le droit d’aimer envers et contre tous.


Par Sarah Benzazon pour Le Blog du Cinéma

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le 2 août 2017

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