Portrait de la petite fille en feu

Après un premier court métrage, Bambi (2013), sur le sujet de la transexualité, le scénariste et réalisateur français Sébastien Lifshitz revient sur les questions d’identité et de genre avec un bouleversant long-métrage, Petite Fille, disponible en ce moment sur Arte.tv.


"Quand je serai grande, je serai une fille" confie à sa mère Sasha, huit ans, petite fille de née dans un corps de garçon. C’est cette enfant à qui l’on a diagnostiqué une « dysphorie de genre » que le réalisateur d’Adolescentes (2020) a décidé de suivre pendant plusieurs mois pour ce nouveau documentaire. Portrait intime qui ne tombe jamais dans l’impudeur, Petite Fille est donc le récit d’un an de combat - précoce - d’une enfant face à l’inacceptation des autres.


La dysphorie de genre est le nom que l’on donne au sentiment d’inadéquation vécu entre son sexe biologique et son identité de genre ; plus qu’une simple question de sexualité, il s’agit également et surtout bien là d’une question d’identité. Encore assez méconnue en France, (rappelons qu’il aura fallu attendre 2010 pour que celle-ci ne soit plus classée dans la liste des troubles de la personnalité...), elle est encore majoritairement assimilé au pathologique et suscite souvent l’incompréhension voire le rejet. Chez l’enfant et l’adolescent, la question du choix d’une identité est d’autant plus délicate que la société a tendance à considérer ces tranches d’âge comme encore inaptes à prendre de réelles décisions. Mais l’identité et le genre se choisissent-ils vraiment ?


Dans une interview donnée à Arte 1 , Sébastien Lifshitz s’exprime à ce propos: « La transidentité ça n’a rien a voir avec la sexualité, ça n’a rien a voir avec avec la puberté, ça n’a rien a voir avec l’adolescence comme souvent les gens se l’imaginent. C’est quelque chose qui apparaît souvent très
tôt, au plus profond d’un individu et qu’il exprime comme il peut. ». Petite Fille c’est cette histoire, celle de Sasha qui sait qu’elle est une fille et qui essaye de se vivre pleinement comme telle. Avec l’aide de sa famille, les combats s’enchaînent, notamment face à une école primaire qui refuse de l’accepter en tant qu’élève de genre féminin ou face à une professeure de danse refusant qu’elle se mêle aux autres petites ballerines de son âge. Quelle place alors pour cette petite fille qui peine déjà a se trouver des repères ?


Film de regard, Sébastien Lifshitz a su se placer à la hauteur de l’enfant. Nous la rencontrons dans l’intime clair obscur de sa chambre, en robe à paillette, ou plus tard en maillot de bain deux pièces à la plage, espace sacro-saint du voyeurisme contemporain. Les réactions hostiles restant hors- champ, nous la découvrons également et surtout à travers le regard de ses proches: amis, frères et sœurs et surtout de sa mère, Karine, dont les émotions résonnent avec celles de son enfant. Mais, au-delà du portrait tout en douceur, le réalisateur réussit à nous présenter un documentaire qui va au delà de la simple ode à l’acceptation de la différence. Car ici Sasha n’est pas différente. Elle est une petite fille qui nous touche par sa tendressse, et elle est surtout une grande fille dont on ne peut qu’admirer le courage, la maturité et la conscience d’elle même.

CamilleEla
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le 7 déc. 2020

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Camille Ela

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