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le 15 févr. 2018
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Subvertissant totalement le topos du mythe de Pygmalion qui fait de la muse moins l’inspiration mais la créature même de l’artiste, le nouveau film de Paul Thomas Anderson décrit l’impossible statufication d’Alma, amante du grand couturier londonien, Reynolds Woodcock. Le film feint pourtant de jouer dans le cliché et le couturier se sert d’Alma comme d'un objet mesurable où dresser une robe. Le récit se recentre alors progressivement sur la figure d’Alma qui s’oppose d’égal à égal au créateur démiurge.
Une scène illustre cela parfaitement. Au lendemain matin du premier bascule évident du rapport de force, la caméra se pose sous une table, décrivant une nature morte, sublime, pure création artistique : la salle de travail du couturier, un buste soutenant une robe de mariée fraichement finie, un canapé. Alors que Woodcock entre dans la salle, la caméra se met à avancer lentement et l’on découvre qu’Alma est allongée sur le canapé, son seul pied dépassant d’une couverture feutrée. Cette chaire nue, tout droit sortie du Chef d’œuvre inconnu de Balzac, jaillit sur tout l’écran et nous entraîne dans un gouffre de vie, opposant à la création du maître couturier la réalité de son amante. Le film vacille alors, les personnages et le spectateur également. En s’introduisant dans le monde qu’il s’est fabriqué, Alma bouleverse l’ordre établi par le couturier et montre qu’une relation amoureuse ne peut pas être l’œuvre d’une seule partie. De ce choc de titans, où chacun se fait créature et créateur, s’engendre un nouveau monde, pervers, malsain, beau.
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Créée
le 10 sept. 2019
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