Un soupçon de giallo, une bonne dose de fantastique, un peu de paranormal et le tout assaisonné d’épouvante, ce Phenomena est inclassable dans la filmographie de Dario Argento. Débutant comme Suspiria (une jeune fille qui arrive dans une école étrangère), il emprunte progressivement des directions que n’avait pas encore explorer le maître italien. Poussant le curseur de l’épouvante un peu plus encore que dans ses précédents films tout en ne semblant pas rechercher à provoquer la peur chez le spectateur, son film est frappé par un onirisme qui lui est vraiment propre. Entre cauchemar et conte de fée, entre beauté et laideur du monde, Dario Argento invite à un voyage qui joue avec les codes, voire les déjoue. Les choix (souvent discutés) des musiques de hard rock sur des séquences horrifiques témoignent d’une volonté de s’affranchir de certaines habitudes du genre. À titre personnel, cette idée saugrenue est, à mon sens, une trouvaille géniale.


Comme toujours chez Dario Argento, la mise en scène est très travaillée et les idées visuelles ne manquent pas, à l’image des scènes de somnambulisme. Fondé sur des couleurs plus froides que ses derniers efforts de la fin des années 1970 avec des dominantes de bleue, de gris et de blanc, le film a une véritable identité visuelle. La mise en scène des crimes, si elle est graphiquement aboutie, a encore évolué depuis Ténèbres même si le réalisateur italien confirme son attrait pour les visages qui traversent les vitres. Le résultat est, en tout cas, très probant. Il est, en outre, une nouvelle fois, porté par des acteurs qui tiennent vraiment la route, à l’image d’un Donald Pleasence qu’on a toujours plaisir à retrouver dans ce type de productions. À 15 ans, juste après Il était une fois en Amérique, Jennifer Connelly confirme, avec son visage d’ange, qu’elle a une vraie présence à l’écran.


Fraîchement accueilli à sa sortie, le film n’a cessé de voir sa réhabilitation croître au fil des années. C’est d’ailleurs un des préférés du cinéaste. Bourré de références (la peinture de Friedrich), de contre-pieds (alors que les animaux sont souvent des ennemis dans les films de cette époque, ils prennent ici le parti d’une jeune adolescente en la protégeant) et de jeux sonores (la musique au top des Goblin et de heavy métal), Phénomena est un film vraiment original, parfois maladroit dans son scénario, mais qui, comme tout œuvre d’art, sait créer une unité et un climat, mais aussi son propre imaginaire. Autrement dit, voilà l’œuvre d’un véritable cinéaste.


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le 8 juin 2023

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