Le préjugé, une fuite qui rattrape toujours son déclencheur !

Fraichement sorti du succès qu’est « Le Silence Des Agneaux », Jonathan Demme poursuit sur un ton très décalé sur les relations sociales, mettant un point définitif sur la frontière à respecter entre le professionnel et le privé. Toujours invaincu depuis longtemps, le sida est une source de mystère pour beaucoup mais une chose est sûre, c’est que la destiné des porteurs ne propose rien de jouissif. Grandement inspiré de la vie de Geoffrey Bowers et des atteintes morales à son égard, le film entreprend d’occulter la souche de cette crainte qui provoque des décisions destructrices, à la fois pour la victime que pour son entourage.


Le plaidoyer pour les droits passe par-dessus tout, c’est pourquoi le contexte de l’avocat démis de ses fonctions devient le sujet principal. Tom Hanks incarne le malheureux Andrew Beckett, dont la négligence lui sera fatale. Excellent employé, il connaît le droit sur le bout des doigts et ne vit que pour l’ambition de rendre justice. Son licenciement abusif lui donne donc une raison de se défendre par lui-même, car il pense être victime de préjugés grossiers envers sa personnalité d’ordre homosexuel. La faute professionnelle dont on l’accuse n’est aucunement justifié par son incompétence car tous les signaux indiquent le contraire. Ainsi, il se doit de lutter contre ses anciens employeurs, qui ont peur et qui sont prêts à trouver des prétextes pour évincer leur avocat, en espérant que la maladie fuira avec lui.


La vérité doit être établie coûte que coûte, c’est pour quoi la majeure partie de l’intrigue nous emmène au tribunal. Les aveux de chacun dénudent les caractères individuels et ainsi on démonte la structure de l’entreprise qui est constituée de personnes tout à fait humaines avant tout. Andrew vient à rencontrer un collègue de couleur, Joe Miller, qui dépense toute son énergie dans des affaires qu’il traite avec rigueur. Denzel Washington lui donne alors le ton des plus contrasté, car la proximité avec le sida l’effraie. Le mode transmission est un débat pourtant inutile, mais cela marque un arrêt sur les limite de la confiance lorsque sa vie est en jeu, voire déjà compromise. Sans insister sur la maladie, donc habilement cadré, le récit en profite pour élargir la problématique des préjugés au sens large, illustrant ses propos par des exemples concrets. Le courant homosexuel est discret pour ne pas effrayé le public, mais entretient cette vérité pour un final plus pertinent. La peur de la différence est une réalité qu’il est tant de prendre conscience et qu’importe la génération, l’œuvre aura toujours autant d’impact qu’à sa sortie.


L’objectif du réalisateur est de lever le miroir sur la passivité d’une société qui refoule ses sentiments d’incompréhension et d’ignorance alors que d’autres en souffre. Cependant, la loi surclasse tout et maintient une cohérence dans l’avancée de la société. La mentalité évolue vers une souplesse presque inespérée au début des révélations sur le sida. En revanche, il existe toujours une rigidité dans l’esprit commun d’une population homophobe ou non. Au simple regard, on émet un jugement, au simple contact, on dénonce à outrance. Il y a tant d’injustice qui mérite un traitement de faveur et le film de Demme regroupe l’ensemble de ces préjugés en une enquête pour mieux présentés les faits. Il montre aux gens leur propre peur pour qu’ils prennent conscience de leur divergence injustifiée, car il n’y a pas à séparer une personne qui nous ressemble.


Le cinéma ose exposer et développer des idéaux parfois radicaux, mais ce film touche particulièrement ceux qui endurent une condition de vie difficile. Le choix de l’avoir intitulé « Philadelphia » renvoie aux valeurs du fondateur de la ville, William Penn, qui souhaitait faire de cette cité un exemple d’amitié fraternelle et de tolérance aux yeux des autres nations. Le paradoxe est alors judicieux, alors que l’œuvre flirte avec cette symbolique, directement en conflit avec l’intolérance qui existe vis-à-vis des personnes atteintes du sida. Des personnes vivent encore dans la peur et la souffrance, résultat qu’il serait temps de conclure par une bonne note. Or, l’espoir ne peut pas tout faire et l’avenir ne réside que dans la réponse à cette maladie incurable, qui continue de distendre les interactions sociales et familiales.

Cinememories
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Dans la famille "Tire-larmes", je demande...

Créée

le 31 janv. 2018

Critique lue 1.2K fois

2 j'aime

Cinememories

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

2

D'autres avis sur Philadelphia

Philadelphia
OkaLiptus
10

Mélancolie, abattement et espoir sur les rues de Philadelphie

Philadelphia est d’abord un plaisir pour les yeux. Agencement naturel et divin dans un écrin de luxe : l’étalonnage vert orange et bleu, la qualité des jeux de lumière ainsi que le grain...

le 11 févr. 2019

47 j'aime

22

Philadelphia
Nikki
9

Sickman.

« Philadelphia » fait parti de ce genre de film qui faut avoir regardé au moins une fois dans sa vie. Véritable plaidoyer pour la tolérance envers les victimes de maladies diverses et contre la...

le 1 déc. 2013

20 j'aime

12

Philadelphia
oso
5

Moralité : n'allez pas au cinéma.

Enfin vu l’un des films qui squatte le top des listes contenant dans leur titre lacrymal, émotion ou encore tolérance. Une appartenance légitime au genre je raconte une histoire vraie avec des gros...

Par

le 30 avr. 2017

17 j'aime

5

Du même critique

Buzz l'Éclair
Cinememories
3

Vers l’ennui et pas plus loin

Un ranger de l’espace montre le bout de ses ailes et ce n’est pourtant pas un jouet. Ce sera d’ailleurs le premier message en ouverture, comme pour éviter toute confusion chez le spectateur,...

le 19 juin 2022

22 j'aime

4

Solo - A Star Wars Story
Cinememories
6

Shot First !

Avec une production et une réalisation bousculée par la grande firme que l’on ne citera plus, le second spin-off de la saga Star Wars peut encore espérer mieux. Cela ne veut pas dire pour autant que...

le 23 mai 2018

19 j'aime

2