Ou la pérégrination d'une jeune mère en quête d'un lieu et d'un nom pour sa fille mort-née. Pérégrination jamais macabre mais au contraire lumineuse, sobre, émouvante.
On ne s’attend à rien et on tombe sur une gemme, un miracle. Piccolo corpo n’est pas un petit film, c’est un beau film, un grand film. J’ai pensé à Lazzaro felice d’Alice Rorhwacher. Pour l’atmosphère de foi, de piété, de sobriété qui s'en dégage. Lazzaro est un idiot sublime, un saint moderne. Agata est une aussi une sainte à sa façon. C'est une femme de pécheur qui quitte son mari pour partir dans une marche qui la mène vers le martyre.
J’ai aussi pensé, bizarrement mais sans cesse, à Tolkien. Dans le sens où Tolkien, catholique, unissait dans ses fictions des éléments du paganisme et du christianisme. Est-ce qu'on est dans un conte ou dans un évangile ? Dans une légende ou une hagiographie ? Dans Piccolo corpo, les éléments de la foi catholique s’unissent aux croyances populaires de cette curieuse Italie qu’on ne connaît pas, cette Italie du Nord-Est, aux paysages à couper le souffle, qui jouxte la Slovénie. On se retrouve embarqué avec bonheur dans une aventure pleine de rebondissements, avec le personnage de Lynx en lutin-voleur androgyne, l’enlèvement brutal pour le lait, l’attaque de bandits de petits chemins, le passage dans une mine (pas tout à fait aussi effrayante que la Moria à vrai dire, mais qu'importe ?) et la traversée mortuaire d’un lac qui conduit, au beau milieu d’un paysage enneigé, à un sanctuaire miraculeux. Et ce réalisme qui flirte toujours avec le fantastique. Impossible de qualifier le sentiment qui se dégage de cette œuvre puissante et mineure, au sens où on parle d’un mode mineur en musique. Une œuvre discrète pour laquelle il faudrait inventer un genre construit à partir de la fantaisie héroïque : de la fantaisie mystique ? De la fantaisie catholique ? De la fantaisie ITALIQUE ? Piccolo corpo c’est de l’italic fantasy.