Voir le film

Difficile de parler de Pieces of a Woman sans mentionner son plan-séquence inaugural. J'ai eu beau chercher comment aborder l'œuvre autrement, rien à faire. D'une part car il est une note d'intention parfaite doublée d'une magnifique prouesse technique. Et d'autre part car ces vingt minutes d'ascenseur émotionnel vont littéralement (et métaphoriquement) miner le film. Non pas que le sujet (très dur, soyez-prévenu.e.s) perde tout intérêt sur les 80 minutes suivantes, très loin de là. Il y est question d'une foule de sentiments mêlés, emmêlés ou tout simplement coincés ensembles, dont les interactions entre-eux sont autant de portes de sortie possibles que de portes condamnées. Le réalisateur Kornél Mundruczó orchestre leurs difficiles cohabitations dans un ballet de mouvement latéraux, de longs-plans où la silhouette de Vanessa Kirby (formidable) prend des allures de spectre déambulant dans des espaces où il semble prisonnier (la maison familiale, le petit nid du couple). La caméra épouse son point de vue et ses perspectives, ou plutôt son absence de perspectives (le devant, l'avenir). Plusieurs procédés tous plus signifiants les uns que les autres (le pont, les germes, la météorologie) émaillent Pieces of a Woman, pour traduire l'état du jeune couple à mesure que les "chapitres" de sa vie défilent.
Le problème demeure que la symbolique est parfois empesée et que beaucoup de ce qui arrive dans cette heure vingt semble anecdotique en comparaison de cette introduction coup de force. Sur un sujet proche, le récent Madre de Rodrigo Soroyogen (aussi impressionnant plastiquement) offrait plusieurs éléments d'intrigue propices à le faire rebondir. Ce qui manque ici, puisque le film se refuse à être autre chose qu'un évident requiem avant la renaissance. Entre-temps, et c'est un peu dommage, les comédiens s'avancent vers une série d'évènements inévitables (vraiment?) qu'ils incarnent très bien mais dont la langueur finit par anesthésier la vigueur. Il devra attendre la fin, ce temps pour l'acceptation de la mort et ce retour à la pulsation, à la vie, pour retrouver sa force de frappe déchirante.

ConFuCkamuS
6
Écrit par

Créée

le 7 janv. 2021

Critique lue 1.1K fois

7 j'aime

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

7

D'autres avis sur Pieces of a Woman

Pieces of a Woman
Velvetman
8

La reconstruction d'une mère

Fraîchement sorti sur Netflix, le dernier film de Kornel Mundruczo, Pieces of a Woman, est une œuvre tenace et bouleversante sur le deuil et la reconstruction d’une femme, incarnée par...

le 10 janv. 2021

35 j'aime

5

Pieces of a Woman
Richard_Maz
5

Un film dépassé par son ambition

J'attendais ce film de pieds fermes. Peut-être trop. Je suis fasciné par les projets forts en émotion et PIECES OF À WOMAN me semblait être de cette trempe.Sur le thème du deuil prérinatal, sujet...

le 10 janv. 2021

20 j'aime

Pieces of a Woman
-Thomas-
8

Une pomme trop loin

Pieces of A Woman, de Kornél Mundruczó (White Dog) et produit par Martin Scorsese (après qu'il ait vu et fortement apprécié le film) ou encore Sam Levinson (Euphoria), offre à Netflix un film pensé...

le 7 janv. 2021

20 j'aime

6

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

48 j'aime

7