J'ai je crois la culture cinématographique du, ou de la si on préfère Français(e) moyen(ne). J'essaie d'ouvrir mes écoutilles à ce qui de prime abord ne me parle pas et à cet effet, je m'essaie à Jean-Luc Godard pour la seconde fois. Après le Mépris, Pierrot le Fou dont je ressors avec une vague impression de grosse arnaque. Mais d'abord, un thé.

L'ouverture du film a fait naître en moi des bribes d'espoir alors que je n'attendais rien de Godard, rien qui ne soit pas ou prétentieux, ou je-chie-là, ou je-mets-des-références-littéraires-trop-profondes-pour-faire-genre, rien de sincère en somme. Pendant le premier quart d'heure, je vois un homme, Ferdinand au comportement logique : situation matrimoniale de confort financier qui a fini par devenir pesante tant l'entourage, la vie et les soirées mondaines lui paraissent absurdes. Les dialogues sont creux, débilitants et font plus qu'écho à ce que l'on entend aujourd'hui de marionnettes désarticulées, clopes au paquet à 10 euros au bec, un whisky coca dans l'autre main. Et ma laque, tu la vois ma laque ? Mes cheveux satinés, tu les sens mes cheveux satinés ? Et ma nouvelle culotte gainante, tu l'aimes cette culotte gainante ? De quoi tout foutre en l'air, ce que Ferdinand a fait. Malheureusement, il aura fallu qui se transforme en Pierrot l'imbécile. Encore une fois, Godard aura transformé le sable qui aurait pu être un verre cristallin en château écrabouillé, parsemé de coquillages à l'odeur de poissons avariés.

Marianne, c'est la femme Godard. La femme Godard, quand tu lui poses une question, elle te répond "jtm pu". Ou, encore, une autre de ses répliques favorites c'est "jmen fous", ou dans une version qui se veut plus pimbêche encore, "jmen fiche". La femme Godard, elle te répond comme un pied pour faire croire qu'elle a un semblant de consistance, qu'elle ne sonne pas aussi creux que ses phrases à trois mots censés te faire titiller d'excitation par effet repousse (mais si, je te repousse, tu m'aimes, moi je te dis que je t'aime pas, mais en fait je t'aime, mais au fond je suis trop stupide/conne/capricieuse pour me comporter comme si je t'aimais réellement donc en réalité, ça signifie tout bonnement que je t'aime à ma façon et que objectivement parlant je t'aime pas parce que je te prends pour ce que tu es, c'est-à-dire un demeuré pathétique). La femme Godard, elle te dit des choses sérieuses, si, spirituelles même, avec le khôl baveux qui ferait pâlir d'envie n'importe quelle égérie L'Oréal.

La femme Godard, en somme, elle te fout en l'air ton film, le soldat Ferdinand pour en faire un Pierrot sur la lune qui perd tout sens à la vie et te montre une histoire grossière avec des types morts dans une mare de sang à la texture d'un babybel, sur fond d'image entrecoupées artistiques pour essayer malgré tout de relever un tant soit peu le niveau. C'est ce qui confère prodigieusement à la prétention chez Godard. Tenter de faire le même coup, partout, en faisant croire à l'intelligence fusante quand il n'y a strictement rien à récupérer tellement c'est vaseux.

L'avantage, c'est que Godard parvient à me rassurer sur la vie, si désespérante. Parce qu'elle ne ressemble pas à son putain de film. Il y a de quoi être momentanément optimiste.
-Ether
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le 3 déc. 2014

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-Ether

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