Unique et seul film d'un marginal haut en couleur Pink Narcissus est un bel OVNI de cinéma transgressif et gentiment provocateur. Écrit, produit, mis en lumière et réalisé par James Bidgood sur une poignée d'années ce Kammerspiel new-yorkais fait figure d'oeuvre singulière et capiteuse, au potentiel sensitif redoutablement prononcé ; il fut du reste projeté en séance exceptionnelle au cinéma le Grand Action le 30 juin 2022 dans le cadre de la Septième édition du Festival du Film de Fesse avec le procédé interactif de l'Odorama, attraction olfactive timidement popularisée par le confidentiel Polyester de John Waters au début des années 80 et permettant de transmettre de nouvelles sensations au détour de parfums divers et variés accompagnant la projection. Quelle plus belle façon d'honorer la dimension sensible, quasiment haptique du court long métrage de James Bidgood que de lui attribuer ce gadget filmique résolument peu commun, les saveurs odorantes proposées pour l'occasion par Le Journal d'un Anosmique relevant subtilement les visions fantasmatiques du réalisateur ?

Incroyable de constater, au regard de Pink Narcissus, à quel point James Bidgood fut de près ou loin influencé par l'illustre Kenneth Anger : visions chatoyantes, impressions abstraites ou a contrario images chargées en symboles, textures granuleuses accompagnées de grondements symphoniques, sublimation et érotisation du corps masculin... A l'instar de l'auteur de Fireworks et de Scorpio Rising James Bidgood s'impose, par-delà sa marginalité, comme un créateur de formes splendide et intemporel, travaillant chaque plan comme autant de microcosmes intimement liés à leur figure centrale, en l'occurrence Bobby Kendall, muse et amant du cinéaste.

Pink Narcissus évoque donc tout un monde de fantasmes se moquant bien du bon goût et de la bienséance, montrant un éventuel macadam cowboy en pleine projection mentale et/ou session d'onanisme ; entre les bas-fonds d'une métropole ou le 69 est une adresse aux égarements nocturnes et dans laquelle les néons rougeoyants agressent malicieusement nos rétines rincées jusqu'à l'asepsie, les paradis perdus d'une clairière occupée par de jolis papillons admirant un fascinant clair de lune ou la beauté paradoxale d'une pissotière dans laquelle le sang, le sperme et les larmes se conjuguent toujours au pluriel le premier et dernier film de James Bidgood sidère par sa modernité fauchée et affranchie de toute contrainte morale et esthétique. Un précipité de cinéma que n'aurait sans doutes pas renié Kenneth Anger, à tel point que le nom de ce dernier fut souvent associé à cet objet XP pour le moins atypique.

stebbins
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le 30 juin 2022

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