Pipicacadodo
6.3
Pipicacadodo

Film de Marco Ferreri (1979)


  1. Chiedo Asilo ( éhontément et comiquement rebaptisé Pipicacadodo pour l'exploitation française ) marque le retour en Italie du grand Marco Ferreri ; il constitue également la véritable révélation de son acteur principal : l’irrésistible Roberto Benigni, clown à la bonhommie parfaitement communicative et à l'allure funambulesque, au diapason de l'univers poétique et surréaliste du réalisateur de La Grande Bouffe et de Rêve de Singe.


Fraîchement sorti du carcan des hautes études et de l'apprentissage des méthodes pédagogiques sclérosantes le jeune Roberto fait donc son entrée dans le microcosme d'une école maternelle, venant littéralement au monde et aux yeux des enfants par l'ouverture inopinée d'un placard. Rejetant une à une les valeurs de la société éducative ( clivage des genres, protection abusive des petits au détriment d'une prise à bras-le-corps des réalités du monde des adultes, credo de l'enseignement magistral...) ce professeur anti-conformiste va d'emblée créer sa propre pédagogie, n'hésitant pas à véritablement "sortir du cadre", entre la simulation d'un changement de sexe et d'un enfantement, la visite improvisée d'une usine par ses chérubins ou l'organisation d'une classe de mer dans le dernier quart d'heure du métrage...


Homme de discours fantasque et bienveillant Roberto semble être un personnage en rupture complète avec la société normative dépeinte par Ferreri dès les premières minutes dudit film : dans une banlieue insituable à l'architecture brutaliste, froide et inhospitalière Roberto déambule avec la grâce d'un mime inadapté à son environnement. Le film est beau, un tantinet douloureux et secrètement politique ( la charge contre l'éducation nationale, à l'aune des révolutions post-68, est néanmoins évidente ), fortement étayé par la prestation du génial Benigni et la musique tour à tour joyeuse et mélancolique de Philippe Sarde. Par ailleurs l'inversion des valeurs et le caractère interactif du propos évoquent beaucoup certains films de Jean-Luc Godard ( l'installation du poste de télévision dans la salle de classe au début du film n'est pas sans rappeler Numéro Deux, sorti quelques années plus tôt...), autre-libre penseur du cinéma européen de la décennie 1970-1980.


La question de la paternité, au centre du propos de Chiedo Asilo, semble s'opposer radicalement à celle de la procréation et de la venue au monde ; potentielle figure du matriarcat la femme interprétée par Dominique Laffin finira par accoucher de l'enfant voulu, laissant Roberto dans son rôle d'éternel éducateur : conduisant vers l'extérieur son élève autiste vers le large méditerranéen le jeune professeur terminera sa course idéaliste au coeur de l'océan et du crépuscule rouge sang. Un beau film.

stebbins
7
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le 29 févr. 2020

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stebbins

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