The Informer

C'est difficile à croire mais derrière ce film tourné à Cleveland en 1968 mettant en scène des activistes noirs peu de temps après l'assassinat de Martin Luther King, il y a... Jules Dassin. C'est avant tout surprenant de voir le réalisateur américain blacklisté s'aventurer sur ce terrain-là, mais c'est aussi quelque peu inquiétant vis-à-vis de la qualité du contenu puisque "Uptight" sort quelques années après le très très raté "Topkapi" — mauvais parodie involontaire dans mes souvenirs encore douloureux. On est à Cleveland, ce n'est pas non plus le Detroit de "Blue Collar" (malgré la connexité de la toile de fond qui fait ici intervenir une aciérie), mais c'est quand même d'une toute autre tenue, soyons rassurés, avec beaucoup de valeurs qui inspirent la confiance dans le casting : Raymond St. Jacques, Ruby Dee, Roscoe Lee Browne, et Frank Silvera pour ne citer qu'eux.

Dassin jette son narratif dans une tambouille volontairement réaliste, puisque les premiers moments sont dédiés aux événements entourant la mort de Martin Luther King, dans un cadre documentaire, avant de lancer la fiction au travers du braquage d'un dépôt d'armes qui scellera le sort des divers protagonistes. Un gardien est tué, un homme pourchassé, un groupe de révolutionnaire menacé. Beaucoup de personnes du groupe travaillent dans une aciérie, et c'est ce même minerai qui servira de conclusion en recouvrant le corps d'un autre homme assassiné.

La tension dans "Point Noir" tient au fait qu'un personnage instable, Tank, est perçu comme une source de chaos par les révolutionnaires, liés presque malgré eux à l'auteur du meurtre, et que ses nombreux problèmes (avec l'argent, le travail et l'alcool) pourraient mettre en déroute leur organisation déjà pas très bien vue par les autorités. Il est vrai que la police promet 1000 dollars à qui aurait des informations sur le meurtrier... Le réseau de contraintes et d'interdépendances entre les différentes parties est assez dense, développant une atmosphère bien différente du film qu'il met à jour — "The Informer" (aka Le Mouchard") de John Ford, à partir duquel la conscience irlandaise en arrière-plan est mutée ici en conscience noire de premier plan, avec un sursaut net de violence. Dassin s'essaie sans doute à l'analyse politique d'un groupe marginalisé qui, sous la colère, a recours à des actions violentes (allant de fait à l'encontre de la non-violence prônée par leur défunt leader) : si le film ne se démarque pas par sa perspicacité, avec une manifestation un peu artificielle de cette violence et des débats pas toujours passionnants, il reste intéressant pour la peinture de la communauté sur fond de racisme et de corruption. En compagnie de Booker T. and the M.G.'s.