Ça commence plutôt mal. Voire très mal. En 1978, le genre tire à sa fin et la dimension parodique a envahi les écrans. Pas franchement dans cette mouvance, Stelvio Massi ouvre pourtant son film avec un côté comique qui inquiète. Toute la première partie qui se déroule à Rome est plutôt légère. Maurizio Merli, un flic reconverti en détective privé un peu minable, porte la salopette en jean, survit plus qu’il ne vit de son activité mais flingue, malgré tout, encore à tout va. Avec son acolyte qui voue une admiration sans faille à Taxi driver (mais toute cette première partie est bardée de références à de nombreux films iconiques comme en atteste la belle collection d'affiches de cinéma du personnage incarné par Maurizio Merli), il forme un duo un peu ringard qui se retrouve mêlé à une sombre histoire. Si elle se termine au milieu des moutons au volant de sa Mehari en Italie, l’intrigue prend un virage bien plus noir quand il se rend en Autriche. Avec son alter ego interprété par Gaston Moschin, le voilà à traquer une organisation qui exploite des jeunes filles. Changement de lieu et changement de ton qui font clairement un bien fou au film.


Si Stelvio Massi ne parvient pas à se détacher totalement d’un humour franchement pas utile dans cette seconde partie, l’ensemble est cependant bien plus noir et permet de renouer avec des thèmes propres au genre. On comprend bien cependant que le projet est de justement s’éloigner des chemins balisés du policier à l’italienne. D’abord, évidemment, en se délocalisant à Vienne, ce qui est une excellente idée. Ensuite, en se tenant fortement éloigné de tout discours politique. Enfin, en s’échinant à trouver la bonne distance entre un sujet vraiment noir tout en maintenant un ton parfois léger. Sur ce dernier point, disons-le tout net, c’est plutôt maladroit. Mais le film traite d’un sujet détestable, à savoir la prostitution enfantine, qui est un vrai bon sujet, et il ne lésine pas sur les situations les plus immondes, comme le meurtre brutal d’une jeune adolescente. Ces éléments-là le raccordent aux polars plus habituels. Par ailleurs, la plongée dans le monde de la nuit viennoise est une vraie réussite même si on peut regretter que Maurizio Merli fasse le malin à plusieurs reprises. On préfère, pour le coup, le voir en difficulté ou totalement répugné par le trafic qu’il met à jour. Le ton entre la première et la deuxième partie aurait changé du tout au tout aurait d’ailleurs été une bien meilleure décision que cet entre-deux parfois agaçant.


Il n’empêche, plus le film avance, plus il se bonifie, à l’image de la partition musicale de Stevio Cipriani qui propose un thème principal plutôt passe-partout mais d’excellentes musiques d’accompagnement, notamment dans les scènes les plus tendues. Pour une fois, Maurizio Merli n’est pas ce bulldozer qui tire sur tout ce qui bouge, se révélant même parfois simple spectateur d’une intrigue qui peut le dépasser, comme on peut en trouver dans le film noir. Autrement dit, Stelvio Massi, s’il ne réalise pas son meilleur film, réussit son pari en proposant un film qui dépasse le cadre du pur poliziottesco. Tout n’est pas abouti, loin de là, mais le titre a le mérite de chercher à sorti des sentiers battus. On ne peut l’en blâmer.


6,5/10


Play-It-Again-Seb
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PIAS

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