Sismographie d'une ville en sursis

« Le Vésuve fabrique tous les nuages du monde ». C'est par cette phrase de Jean Cocteau que commence le nouveau documentaire de Gianfranco Rosi. Durant trois années, il a parcouru Pompéi et ses alentours en donnant vie à ceux et celles qui vivent à proximité du célèbre volcan. Comme dans ses œuvres précédentes, le cinéaste italien aime poser son regard et sa caméra sur des personnages et des situations souvent atypiques comme pour mieux "décaler" le réel. Il suit ici un centre d'appel d'urgence, des archéologues détachés de l'Université de Tokyo, une conservatrice, un officier de navire syrien ou encore un éducateur de rue. Ces différents lieux et protagonistes qu'il rencontre, révèlent par strates une part d'histoire ainsi que les nombreuses richesses de cette zone millénaire marquée par les catastrophes naturelles. Notamment la tragique éruption de 79 ap J-C qui ensevelie et figea des fragments d'humanité qui sont aujourd'hui en perpétuelle excavation. Ces rencontres et ces scènes peuvent de prime abord paraître triviales ou dénuées d'intérêt mais il tisse un admirable pont entre le passé et le présent pour faire résonner les nombreuses connexions entre les êtres et les choses. Ces interconnexions sont symbolisées par la Circumvesuviana le réseau ferré de la baie de Naples. De plus, l'utilisation du noir et blanc donne au documentaire un rythme lancinant, telle une plongée entre ombres et lumières, flammes et cendres. Ainsi sous les nuages, Gianfranco Rosi nous fait écouter et ressentir les vibrations de l'inframonde.