Un enfant jeté dans le vide sidéral

Doillon sera peut-être à l'ombre de Pialat, malgré une filmographie plus ample. Il a tourné vite et beaucoup dans ces années 80. Un peu comme certains impressionnistes sont à l'ombre de Monet. Mais on une place à l'ombre peut parfois être plus belle qu'une place au soleil et Doillon est à ma connaissance le seul qui ait pu saisir ce que Ponette nous offre et sans doute fallait-il séjourner ne serait-ce qu'un peu au royaume des Ombres pour en retirer cette douleur et ces larmes sismiques.


Ponette, le film, et Ponette, la petite fille, ouvrent à plusieurs reprises la véritable porte sur les enfers, cette porte horizontale comme la tombe de sa maman et qui donne une vue en plongée sur le désespoir vertigineux d'un petit enfant lorsqu'il se retrouve sans un parent.


Doillon a construit son scénario au plus simple, réservant l'inéluctable apparition pour la fin, intégrant dans le monde intérieur de la petite Ponette les représentations religieuses mais aussi tout ce qu'elle peut inventer de magique pour surmonter cette immense détresse.


Ponette est une actrice pour le film et dans le film, une actrice pour sauver sa peau ou la perdre, sur le fil entre l'appel terrifiant d'une mort rêvée qui pourrait lui redonner sa mère dans son imaginaire et le désir de vivre, la promesse crachée à son père, très absent d'ailleurs.


Ponette est de plus ou en pension/colonie ou chez sa tante, laissée à son imagination et à ses stratégies dont l'enjeu scénaristique est de ne nous montrer à quel point est fragile le choix de les faire déboucher sur la mort ou sur la vie.


Ce qu'il manquera peut-être au film pour être un chef-d'œuvre est, comme souvent chez Doillon, un manque de rigueur formelle, une lâcheté scénaristique qui permet sans doute aux acteurs de prendre une place prépondérante mais donne l'impression d'hésiter souvent. Son cinéma est aussi précieux pour cela mais il n'est pas sûr qu'il en soit meilleur. Une chose est sûre, dès que la question de diriger les enfants se posera, c'est Ponette qu'il faudra revoir avec un autre cinéaste aussi éloigné de Doillon qu'on puisse l'être: Ozu.


Revu 16 mars 2021

JM2LA
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le 14 oct. 2015

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