Huit ans après son premier long, Antiviral, Cronenberg Jr nous revient avec une superbe bande-annonce pour un bon gros film d’horreur interdit au moins de 16 ans, a priori destiné à sortir en salles dans une version édulcorée par rapport à celle présentée en festivals.
On sait qu’une forte restriction d’âge n’est pas en soi un indicateur que le film est bon, au contraire c’est souvent un pathétique argument marketing pour attirer le chaland avide de grand-guignol. Mais quand les astres sont réunis et que l’image choc sert un propos percutant, alors il est indigne de censurer, nous n’imaginons pas un Videodrome ou La mouche de Cronenberg Senior en version Disney+. Rien à voir toutefois ici, Possessor est naze et ses rares scènes de charcutage sont parmi ses seuls atouts.
Le scénario à base de tueuse (Andrea Louise Riseborough, naturellement malaisante mais au final peu présente) qui peut, via une bizarrerie technologique, “posséder” n’importe qui pour commettre ses meurtres -avec le risque que sa personnalité se dissolve dans celle de son hôte- brosse pourtant de vastes sujets de SF. De la notion d’avatar virtuel à une réflexion sur la personnalité, de Matrix à Ghost in the Shell en passant par ExistenZ (auquel Possessor pique quelques trucs) ou l’oeuvre d’Alex Garland, il y avait de quoi faire… mais non, le film arrive a minima 30 ans en retard, se perd dans des longueurs cousues de fil blanc, lance des pistes qu’il ne suit pas et surtout n’arrive jamais à trouver son ton.
Possessor semble constamment hésiter à repartir dans de la satire noire comme Antiviral (la séquence de VR, pas mauvaise mais hors-sol face au reste) ou du techno-thriller tristement premier degré. Le tout entre deux saillies de type gore-porn qui n’ont rien compris au body-horror, le style difficilement imitable du daron.
Alors oui Possessor part fort, son concept permet quelques petites idées de mise en scène, le directeur photo a mouillé sa chemise, on apprécie aussi le recours à des objectifs atypiques et effets spéciaux non numériques, mais ça ne suffit pas. Il n’est pas aisé d’essayer de faire du Lost Highway quand l’écriture peine à égaler un film d’horreur original Netflix et qu’on dispose d’un casting qui joue comme des pains de viande.