Un propos à la puissance rare gâché par des tics d'auteur et un aspect visuel très laid.

Vincent Macaigne signe pour son premier film une œuvre forte et quasiment transgressive où le propos mis en branle est d’une puissance rare. Un film que ne renierait pas Ken Loach ou Robert Guédiguian. Il assène un coup de marteau à la bourgeoisie, à l’ancienne aristocratie et même aux nouveaux riches en n’oubliant pas d’épingler une certaine gauche et la France de Macron en filigrane. Le propos est clair, riche et amené de manière directe et frontale pour qui passera outre la forme déplaisante de « Pour le réconfort ». Et le constat est sans appel, jusqu’à un dernier plan d’une évidence rare. Le cadre se ressert sur un des personnages, nouveau riche, celui qui représente le peuple d’aujourd’hui comme celui d’hier ou même un tiers-état séculaire. On le voit se retrouver petit à petit emprisonné par l’écran noir, l’abîme, puis effacé. Effacé d’un monde où ce sera toujours l’argent qui sera roi aux côtés de ceux qui le détiennent. Une image d’un symbolisme percutant et qui synthétise tout le propos du long-métrage.


L’acteur n’y va pas de main morte pour signifier le fond de sa pensée. Les séquences entre les personnages sont équivoques et surtout les échanges verbaux entre eux cristallisent des siècles de lutte des classes entre riches et pauvres. Il y a une richesse dans les dialogues et une liberté de ton rares dans le cinéma d’aujourd’hui. Son film est une bombe contestataire, un constat social d’une amertume, d’une noirceur et d’un défaitisme peu commun. Mais il ne se contente pas d’épingler des classes sociales toujours en guerre civile, comme il le dit bien au détour d’une scène. La superficialité d’un monde du paraître, d’une jeunesse dorée à qui tout semble acquis au détriment de classes désoeuvrées, enterrées dès la naissance, est également pointée du doigt. On retiendra surtout de tout cet uppercut moral et social, un dialogue en voiture entre un riche oisif de naissance qui ne l’est plus (mais que la morale du film montrera toujours gagnant) et son antagoniste - ce dernier mot ayant toute son importance – issu du peuple/prolétariat. Les phrases tombent comme des couperets et elles sont d’une évidence et d’une dureté mémorable. Mais il y a d’autres séquences moralement épiques comme cet affrontement devant un lac au lever du soleil qui reprend par le biais des liaisons amoureuses les mêmes thèmes ou la déballe d’une Laura Calamy énervée (et trop peu présente à l’écran) qui se révolte de tout, figurant le français râleur dans toute sa splendeur.


« Pour le réconfort » est un film plein de sens, inconfortable mais dont la justesse du propos et la foi en ce qu’il dit est belle à voir. Une œuvre qui fait fortement réfléchir. Dommage que Macaigne tombe souvent et facilement dans les tics du cinéma d’auteur français (bourgeois justement) le plus détestable. On pense à ces faces caméra du personnage de Pauline, trop écrits et sentencieux. Ils sonnent faux et ferait fuir plus d’un spectateur indulgent. On vise aussi ces longs moments de pause et de silence qui peuvent ennuyer. Mais, surtout, on déplore une forme aussi désagréable à l’œil. Un ascétisme de la mise en scène voulu mais qui pénalise le film et le ferme à une audience plus large à laquelle son propos contemporain et moderne comme jamais pouvait prétendre. L’image granuleuse, les longs plans fixes ou encore la tristesse du décorum finiront de décourager les plus téméraires à découvrir ce cinéma qui se met formellement en autarcie lui-même. Dommage, cela rend ce premier long-métrage intéressant mais moyen. On retiendra tout de même ce fond, politique, engagé et socialement brillant qui fait tout le sel de la projection.

JorikVesperhaven
6

Créée

le 27 oct. 2017

Critique lue 832 fois

5 j'aime

Rémy Fiers

Écrit par

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5

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