Ce film a de particulier qu'il a été coproduit par une association contre l'alcoolisme, et dont le sujet concerne le couple Michele Morgan/Henri Vidal, car ce dernier abusait aussi bien de boissons que de substances interdites. Il y a donc une forme de psychologie qui peut donner une appréciation différente du film.
Henri Vidal joue un photographe qui rencontre dans une ville où il attend un train, après un accident de voiture, une avocate dont il tombe très vite amoureux, mais il va voir qu'elle cache quelques secrets liés à la boisson.
Contrairement à la réalité, c'est Michèle Morgan qui joue cette femme éprise de boissons, qui est départ sobre, et qui, à la suite d'un drame, va replonger dans la bouteille. Le risque aurait été que l'actrice en fasse des tonnes en étant ivre, or elle garde une grande sobriété à ces moments-là, comme si elle avait très peu dormi. Quant à Henri Vidal, qui a des airs de Pierre Mondy, il est d'une grande douceur, inversement à sa carrure imposante, et il va s'accrocher à cet amour qui pourrait être florissant sans les parasites qui trainent autour.
En particulier l'ancien amant de Morgan, joué par Claude Dauphin, qui n'hésite pas à être odieux, allant jusqu'à l'irréparable pour provoquer en elle une certaine réaction. D'ailleurs, ce moment-là est très bien filmé, avec l'art de la suggestion qu'imposait cette époque, et des cheveux légèrement en bataille.
Il y a quelque chose qui approche de l'intérêt public pour Henri Decoin, ainsi que pour le duo d'acteurs qui revivent, de manière inversée, leur propre existence. D'ailleurs, Henri Vidal décèdera de ses excès quelques mois plus tard...
Pour finir sur le film, je l'ai trouvé au fond très courageux, à donner un rôle pareil à une femme, où c'est semble-t-il une des premières fois qu'elle aussi peut être ivre. On est loin de l'exubérance de Michel Simon dans La poison, mais Michèle Morgan joue un très beau rôle.