Je dois bien avouer que ce qui me paraît le plus difficile avec Premier Contact est d'avoir un avis englobant. Il est, il me semble, difficile de prendre le film comme un tout tant se mêle dedans une vision novatrice et très intelligente pour le cinéma de SF (novatrice mais pas pionnière pour autant) et de l'autre côté, nous avons des codes hollywoodiens qui viennent parasiter le film de manière si profonde qu'il est difficile de démêler les éléments.
Il est difficile, selon moi, d'avoir un avis tranché sur le film et pour cette raison ma critique, sous bien des angles, va apparaître comme une manière de compter les points, qu'ils soient positifs ou négatifs.


Louise Banks est une experte en linguistique, qui a perdu sa fille d'une grave maladie alors qu'elle n'était encore qu'adolescente. Un jour, douze étranges vaisseaux extraterrestres arrivent sur Terre. L'armée américaine convoque Louise pour que celle-ci les aide à communiquer avec les Aliens. Celle-ci va alors entrer dans une gigantesque énigme : comment échanger avec des êtres qui n'ont rien en commun avec nous ?
Je préviens dès lors que désormais, je poserai des spoilers, sans retenu. Attention donc.


Le film ose donc attaquer, d'emblée, un gigantesque problème de philosophie du langage. La communication, si évidente pour nous, doit être pensée de manière a priori ici. Le fait de savoir si ces aliens sont, ou non, une menace est un défi en soi. Surtout que ceux-ci ne sont pas très bavards. Deux rencontres de quelques minutes par jour, dans leur vaisseau, avec une baie vitrée les séparant de nous et c'est tout.


Le film a donc, comme premier bon point ce sujet. D'une intelligence rare et traitée de manière si nécessaire que même les connaisseurs de la question y prendront du plaisir, on appréciera tout le long du film ce sujet d'une profondeur si inouïe. La recherche de la communication, au centre de l'intrigue est parfaite. Ce premier point est bon.
Le contexte, de manière générale, est traitée de manière réaliste. On y pensera dès les réactions de « fuites » lors de l'annonce de l'arrivé des aliens. Personne ne court réellement, comme si tous savaient qu'il y avait un gros changement tout en ayant conscience que de toute façon c'est loin de nous. En somme c'est très réaliste. Les crises mondiales qui s'en suivent sont évidentes mais toujours traitées de manière intelligente. Le dynamisme de groupe, entre les différents pays qui s'entraident sans pour autant partager l'ensemble des informations est, là encore, très intelligent et réaliste.
On est globalement très loin d'un film US Army, à la Independance Day avec des gros flingues partout. Et rien que pour cela, Premier Contact est salutaire. Ce ton réaliste est réussi tout le long. Cette enquête linguistique l'est tout autant. De même, les aliens sont convainquant, sans être parfaits, ils parviennent à être mystérieux et crédibles. Le côté « inconnu » sera gardé tout le long mais avec des nuances rendant les découvertes sur ces aliens très appréciables (comme la découverte de leur taille réel, leur apparence général, leur façon d'écrire).
A côté de ça, la meilleure idée est la narration : nous découvrons progressivement que l'histoire de la fille de Louise n'est pas ce que nous croyons. Si au début nous pouvions penser qu'elle a des souvenirs, on peut ensuite croire à de la folie voir à des flash-back imposés par les aliens. En réalité, ce sont des flashforward. Les aliens ont la particularité d'avoir une compréhension non-linéaire du temps, cela par leur langue. Et Louise, en apprenant leur langue obtient cette même faculté de mêler son futur et son présent. L'idée est original et surtout bien amené. C'est dans le déclic narratif que le génie est là, car, disons le, l'idée d'une juxtaposition du présent et du futur s'est déjà illustré au cinéma avec Interstellar qui s'affiche clairement comme LA référence dont s'inspire Premier Contact.
On notera aussi la bande-son, très surprenante collant parfaitement à l'univers d'extra-terrestre et d'étrangeté. Une véritable bonne idée là encore.


Outre ces moments de génies dans le fond et la forme, le film offre des moments assez tristes de cinéma. Ce genre de passage où l'on est presque gêné pour le film. On pensera entre autre aux « méchants chinois » qui mettent en péril la sécurité internationale. Ainsi la résolution de tous les problèmes par la communication entre Louise et le général Shang est la preuve du gros défaut du film : l'arrivé d'une mise en scène très « facile » et surprenante dans le cadre de ce film (osons le terme : nous sommes face à un Deus ex Machina).
Ce film est réussi pour son grain réaliste, son aspect naturel et sa profondeur scientifique. Les personnages n'ont quasiment aucun background pour ce côté presque froid et à la fin du film tout vole en éclat avec une tonne de pathos. Louise et Ian (physicien théoricien et collègue de Louise dans cette aventure) deviennent amoureux, Shang parle de sa femme morte, tout est sauvé par des petits moments émotionnels bien facile. De plus, là où le spectateur a compris, par les flash du futur que Ian et Louise se marieront, là on nous l'impose à l'écran pendant de longues minutes en remontrant une unième fois la mort programmée d'Hannah, la fille de Ian. Bref, surdose de pathos où le réalisateur nous dit « vous avez bien compris ? Vous avez vu comment on a été trop ingénieux de brouiller les pistes ? Alors on vous l'explique bien clairement là ».
Bref, toute la fin est très médiocre par son renfort de pathos inutile dans la résolution des problèmes et dans ce que l'on nous montre, les 15 dernières minutes imposants au spectateur des choses dont le film ne traitait absolument pas jusque là. De plus, la question terrible de Louise, celle d'avoir un enfant en sachant qu'elle va mourir adolescente n'est jamais traitée mais juste montrée, il est imposé que ce choix est bon car c'est émotionnellement le bon. Là où le film se voulait intelligent il se termine sur du cul-cul émotionnel sans profondeur et, encore une fois, de manière très imposée tant l'ensemble des personnages n'ont aucun développement à côté.
On notera aussi, et surtout, un rythme déplorable où le film ne cesse de chercher à coller à une mise en place de la narration très hollywoodienne alors qu'en réalité il devrait détruire ce carcan pour assumer le côté très long, sinueux et intellectuel de la recherche. Mais il préfère se concentrer sur une mise en scène se voulant dynamique qui, paradoxalement, met en évidence la longueur des scènes. N'assumant par sa lenteur, le film tente de le cacher et met en avant, au contraire, ce rythme très lent, amenant une sorte de morosité.


En somme, tout ce qui n'est pas intellectuel dans ce film est raté tant sa charge émotionnelle est faible et que ce qui en découle nous est imposé. Cela prenant beaucoup de temps à l'écran, faisant perdre certaines bonnes idées très intelligente et réaliste, on est perdant. Le film aurait dû assumer une perte de la notion de héro et offrir au spectateur un film concernant moins une femme que l'humanité dans sa globalité.
Il offre, malgré tout, de très bons moments et des idées solides permettant d'en ressortir plus grandi qu'avant la séance. Quel dommage, cependant, cette imposition d'un pathos faible, de personnages creux qu'on met en avant, tant la structure intellectuelle du film suffisait à en faire une bonne œuvre.

mavhoc
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le 29 déc. 2016

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