Maître Carpenter - comme j'aime l'appeler - sculpte la peur, pétrie et façonne le mythe du Diable dans un somptueux midnight movie horrifique/fantastique à succès. Fièrement série B, s'affranchissant du politiquement censé, et ce pourtant sans même tomber les pieds joints dans la parodie ou le nanardesque, l'oeuvre se révèle être un agglomérat de sous-genres que sont le paranormal, le gore "propre", la situation burlesque et le huit-clos psychologique. Le tout en prenant le soin de se détacher de ce font les copains de classe de l'époque (William Friedkin, Peter Jackson ou encore Sam Raimi).
Carpenter est forgeur de genre, ou du moins d'un sous-genre horrifique que je serais tenter d'appeler l'horrifique carpentien. Le grand Monsieur possède une remarquable identité et donne une cohérence remarquable aux sujets qu'il traite de film en film.
Les thèmes qu'il est possible de déterrer sont variés ; l'enfermement, le pessimisme, le mal, le fantastique fougueusement soudé à l'horrifique, la peur du vide, du néant, du "rien" conceptualisé, matérialisé et immatérialisé par cette scène finale à la fois effroyable et frustrante ! Tandis que le gore et ce maquillage fait maison ne font que rajouter de la saveur a cette oeuvre tant singulière et si inhérente à son créateur.
Carpenter - le Prince de l'Horreur - arrive à son apogée puisque cette oeuvre comme son The Thing et accessoirement L'antre de la Folie, sera selon moi un de ses meilleurs aboutissements, bien plus que l'intouchable Halloween.
Le grand cinéaste pourrait être une illustration parfaite pour un bougre qui affirmerait que l'Horreur peut s'épanouir que dans la série B. Pour cause, ce qui sera considéré comme le too-much dans Le Prince des Ténèbres par des néophytes, en devient finalement l'une des plus appréciables touches artistiques de l'oeuvre ; une nuée d'insectes sur la télévision, sur le sol, sur un visage, puis aux travers des manches, des couches de maquillage et quelques scherzi d'acqua bucaux. Carpenter, le malicieux, connaît semble t-il la folie du fou Démon.
L'Horreur lui, s'affale, se prélasse et se fait doré la pilule dans ce compartiment bien confortable qu'est la série B, parce qu'ici, il fait bon vivre. Puis c'est open-bar, ou presque. Il sera ensuite difficile pour le genre de sortir de sa zone de confort, spécialement durant les années 2000.
Enfin, revenons-en à nos démons. Le réalisateur/scénariste est un artiste complet qui élaborera ses propres compositions. Ces dernières sont certes minimalistes, on en convient mais pourtant sacrément adéquats au récit. Les effets sonores - réels apports pour la création de tension et de suspens - fonctionnent comme des émotions qui prennent vie, comme le palpitant-même, lui qui se prépare à l'expérience que vous - spectateur - êtes sur le point de vivre. Un régale !
Comme un vieux parcours scénique horrifique de fête foraine, Le Prince des Ténèbres est un authentique et véritable film d'horreur à découvrir et redécouvrir jusqu'à que mort s'en suive.