Après « Incendies », un premier film nommé à l’Oscar du meilleur film étranger, le réalisateur canadien Denis Villeneuve fait son grand retour avec son premier long-métrage américain « Prisoners ». Pour son second film, Villeneuve signe un thriller à haute tension au casting béton composé entre autre de Hugh Jackman (Wolverine) et Jake Gyllenhaal (Source Code).

Prêt à tout, sauf au pire.

« Be ready » (Sois prêt), c’est le conseil que donne Keller Dover (Hugh Jackman) à son fils au début de Prisoners alors qu’il vient de lui apprendre comment chasser et abattre son premier cerf. Dover est un survivaliste, toujours prêt pour le pire, son sous-sol est rempli de vivres et de couvertures en cas d’attaque ou de catastrophe naturelle. Pensant être prêt à affronter n’importe quelle situation, rien pourtant ne l’aura préparé à ce qui va arriver ensuite. En plein dîner de Thanksgiving, chez des proches, sa jeune fille de 6 ans s’éclipse jouer avec celle de leurs amis. Elles ne rentreront pas ce soir là. Alors que sa femme refuse de croire à cette disparition, Keller, rongé par la culpabilité et peu confiant dans l’efficacité de la police, décide de prendre les choses en main et mener sa propre enquête, au-delà des frontières de la loi. Côté force de l’ordre, c’est un officier solitaire mais n’ayant encore échoué à résoudre aucune enquête qui est appelé à la rescousse. Le détective Loki (Jake Gyllenhaal) va enquêter sur la disparition des fillettes et le comportement étrange du père, qui mène son enquête parallèle…

Si le scénario de Prisoners reste classique (une histoire de disparition et de vengeance), sa réalisation ravira les amateurs de thriller de part son excellente exécution. Tout au long de ses 2h30 (quand même!), l’enquête va évoluer, sans lasser et les retournements de situation se multiplier laissant le spectateur sur un effet de surprise pour peu qu’il n’ai pas vu la bande-annonce (qui en dévoile un peu trop) où qu’il n’ai pas vu venir le twist trop vite. Malgré une certaine longueur, on ne s’ennuie pas un instant et le très bon jeu des comédiens (notamment de Hugh Jackman qui prouve encore une fois ici qu’il peut incarner avec talent d’autres personnages que notre mutant préféré) nous plonge dans une profonde empathie pour les familles. Alors qu’une famille parvient à s’en remettre à la police, l’autre refuse d’y croire et décide de prendre les choses en main. Chaque personnage incarne un comportement possible dans ce genre de situation (la mère dépressive, le père démuni, le vengeur …). En pleine banlieue de Boston, dans un décor hivernale qui ne donne pas vraiment envie d’y passer ses vacances, Keller sait que chaque seconde qui passe l’éloigne de retrouver sa fille, sa responsabilité, lui, qui incarne l’homme de la maison (cette valeur traditionaliste revient souvent dans le film en ce qui concerne le personnage de Keller).

Qui a fait ça ? Pour quels motifs ? Prisoners est un thriller psychologique qui nous plonge dans les méandres de l’esprit humain. Villeneuve avec ce scénario de Aaron Guzikowski flirt avec cette délicate frontière qui sépare le bien du mal et la justice de la vengeance, voir de la violence. Que l’on adhère ou non aux méthodes de Keller qui traverse une situation que l’on ne peut probablement pas comprendre à moins d’y être confronté, le film parvient à nous maintenir dans un état de pression constant dont on souhaite autant se voir délivrer que les personnages. Le manque d’action se fait à peine ressentir tant le spectateur se retrouve plongé dans l’enquête explorée via la vision de deux personnages : Keller et le détective Loki.

Le casting est un sans faute. Outre le talent sur lequel nous ne nous attarderons pas de Jackman, Gyllenhaal, plus rare sur les écrans ces derniers temps revient ici très en forme dans son rôle de détective tenace et nerveux. Paul Dano, au physique atypique, est également impressionnant de justesse dans le rôle d’Alex Jones, le premier suspect détenu par la police pour le kidnapping des jeunes filles. Avec peu de dialogues (le personnage possède le quotient intellectuel d’un enfant), il parvient en un regard à nous mettre mal à l’aise et véhiculer ses messages. Petit bémol pour l’actrice Maria Bello alias Grace Dover dont on aura du mal à apprécier la performance puisque son personnage passe la grande majorité du film à pleurer et à en vouloir à son mari. La faute au scénario donc.

En bref !

Même si Prisoners n’est pas le thriller parfait (le film aurait survécu avec une vingtaine de minutes en moins), il parvient néanmoins à tenir le spectateur en haleine et son dénouement, bien que prévisible pour les habitués du genre, n’est pas non plus assez évident pour le dénuer dès le départ de tout intérêt. L’ambiguïté morale du scénario restera à l’appréciation de chacun et je m’abstiendrai pour ma part de tout jugement puisque nul ne sait comment chacun pourrait réagir dans pareille situation. Loin de prôner l’idée qu’il est juste de se faire justice soi-même, Prisoners conçoit et explore les différentes réactions possibles tout en nous rappelant la folie dont est capable l’espèce humaine. Bref, un très bon thriller.
MrAwesome
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 30 sept. 2013

Critique lue 444 fois

1 j'aime

MrAwesome

Écrit par

Critique lue 444 fois

1

D'autres avis sur Prisoners

Prisoners
Gand-Alf
8

Le sang des innocents.

Le cinéaste canadien Denis Villeneuve s'expatrie à Hollywood, se retrouvant aux commandes d'un thriller qui ne semblait pas forcément sortir du lot au premier abord, avec son sujet classique et son...

le 10 oct. 2013

155 j'aime

6

Prisoners
guyness
7

Au delà du cercle polar

On peut parfois comprendre la singulière qualité d’un film à travers le concert de reproches qui lui sont faits. (parmi ceux-ci, le plus amusant consistait à reprocher à ses personnages de faire...

le 10 déc. 2013

128 j'aime

23

Prisoners
SanFelice
7

Le serpent et le péché originel

A la fête de Thanksgiving, deux fillettes sont kidnappées. Un suspect, qui a été aperçu sur les lieux avec son camping-car, est arrêté mais, faute de preuves, il est relâché, à la grande colère du...

le 20 déc. 2013

97 j'aime

4

Du même critique

Lone Ranger - Naissance d'un héros
MrAwesome
5

Critique de Lone Ranger - Naissance d'un héros par MrAwesome

A la recherche d’une nouvelle franchise devant l’essoufflement de Pirate des Caraïbes, Disney a décidé de déterrer les aventures d’un cowboy masqué apparu dans un feuilleton radiophonique du début...

le 12 juil. 2013

9 j'aime

1

Jobs
MrAwesome
5

Critique de Jobs par MrAwesome

Les applaudissements explosent lorsqu’il monte humblement sur la scène, tous sont subjugués par ses paroles et attendent impatiemment de découvrir quel objet révolutionnaire il va sortir de sa poche,...

le 20 août 2013

8 j'aime

3

Jeune & Jolie
MrAwesome
5

Critique de Jeune & Jolie par MrAwesome

Premier film français présenté en sélection au Festival de Cannes 2013, Jeune & Jolie du réalisateur François Ozon (Dans la maison) a rapidement fait parler de lui de part son thème difficile, celui...

le 20 août 2013

5 j'aime