Après le remarqué « Incendies », Villeneuve qui nous avait donc habitué à un cinéma sensationnaliste mais à la mise en scène suffisamment sobre pour ne pas virer dans le racoleur nous livre « Prisoners », son nouveau film. On y retrouve ce que l’on pourrait désormais appeler la « pâte Villeneuve », soit un synopsis assez glauque, un scénario très bien ficelé qui n’a pas peur de recourir aux twists et mise sur l’intelligence du spectateur et une mise en scène simple mais efficace pour fluidifier le récit.
Certains commencent déjà à comparer Villeneuve à Fincher pointant les similitudes entre Seven et Prisoners. Notre rédaction ne sera pas aussi enthousiaste, en effet, la mise en scène de Villeneuve est beaucoup plus conventionnelle. Elle est au service du récit et non le contraire (comme c’est le cas par exemple chez Tarantino) et permet de digérer sans accrocs un scénario dense, qui multiplie les pistes qui tend vers le glauque sans pour autant être voyeurisme malsain. Mais, il ne s’agit pas d’un film de metteur en scène. Il n’y a pas d’audaces, de prises de risques dans celle-ci. On peut légitimement se demander si cela n’était pas le meilleur choix à faire pour conduire un scénario aussi difficile. Peut-être, en attendant, on aimerait voir Villeneuve plus aventureux dans ces choix esthétiques avant de l’ériger au rang de maîtres comme Fincher ou Eastwood auquel il est également parfois comparé dans sa façon de traiter sans racolage l’horreur absolue (comme le fait si bien Eastwood dans Mystic River ou dans L’Echange).
En dehors de ce petit bémol, il est indéniable que Villeneuve est un réalisateur de talent. L’ambiance de l’Amérique des banlieues middle class est parfaitement bien retranscrite et notamment grâce à une superbe photographie, lisse, nette (sur ce point-là, il peut être comparé à Fincher). Le choix des acteurs ainsi que leur direction est juste. Mais surtout, rappelons-le, Villeneuve a choisi de mettre en scène un scenario particulièrement casse-gueule qui aurait pu faire le choix de susciter les bas-instincts du spectateur, et aurait pu tomber dans la justification des thèses les plus libérales et les moins défendables de la justice américaine : légitimation de la vengeance personnelle, désaveu du service public comme garant de la sécurité des citoyens. Or ce n’est absolument pas le cas. Il laisse le spectateur juge et le considère comme suffisamment intelligent pour ne pas tomber dans ces travers. Le film n’est pas démonstratif, il nous évite les sempiternelles scènes d’explication que l’on retrouve dans tous les mauvais thrillers. Celles-ci n’étant pas nécessaire car le film disperse de nombreux indices que le spectateur aura su recoller afin d’aboutir aux mêmes conclusions que l’enquêteur. Prisoners, le film dont vous êtes le héros.

BasileRambaud
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2013

Créée

le 6 sept. 2015

Critique lue 358 fois

Basile Rambaud

Écrit par

Critique lue 358 fois

D'autres avis sur Prisoners

Prisoners
Gand-Alf
8

Le sang des innocents.

Le cinéaste canadien Denis Villeneuve s'expatrie à Hollywood, se retrouvant aux commandes d'un thriller qui ne semblait pas forcément sortir du lot au premier abord, avec son sujet classique et son...

le 10 oct. 2013

155 j'aime

6

Prisoners
guyness
7

Au delà du cercle polar

On peut parfois comprendre la singulière qualité d’un film à travers le concert de reproches qui lui sont faits. (parmi ceux-ci, le plus amusant consistait à reprocher à ses personnages de faire...

le 10 déc. 2013

128 j'aime

23

Prisoners
SanFelice
7

Le serpent et le péché originel

A la fête de Thanksgiving, deux fillettes sont kidnappées. Un suspect, qui a été aperçu sur les lieux avec son camping-car, est arrêté mais, faute de preuves, il est relâché, à la grande colère du...

le 20 déc. 2013

97 j'aime

4

Du même critique

A Ghost Story
BasileRambaud
8

Tant que l'homme sera immortel, il ne sera jamais décontracté

En cette fin d’année, propice aux bilans cinématographiques et aux traditionnels classements, il s’agirait dans ces exercices de ne pas oublier « A Ghost Story ». Car oui, 2017 ne saurait se conclure...

le 18 déc. 2017

2 j'aime

1

Amour
BasileRambaud
7

Critique de Amour par Basile Rambaud

Hanneke est un pervers. Ca on le savait depuis un moment et notamment depuis l’excellent « Funny Games ». Si en apparence, il s’est assagit avec le temps, « caché » ou « le ruban blanc » étant des...

le 6 sept. 2015

2 j'aime

Alabama Monroe
BasileRambaud
8

Critique de Alabama Monroe par Basile Rambaud

Étrange mariage entre « La guerre est Déclarée » et « O’Brother », Alabama Monroe est le premier film américain de Felix Van Groeningen, réalisateur de «La Merditude des Choses ». Ah bon ? Ce film...

le 6 sept. 2015

1 j'aime