L'approche, un titre si bien nommé. Ce premier volet de la trilogie documentaire Profils Paysans a été réalisé au tournant du 21ème siècle et traite de cette rencontre entre le cinéaste et ces acteurs d'un monde paysan reculé, témoins directs d'une époque révolue. Et si l'approche est enfin filmée à cette occasion, elle n'en fut pas moins anticipée puisque certaines rencontres se sont déroulées des années voire des décennies avant, à l'abri des regards. Ce sont ces approches qui constituent la première pierre d'un projet cinématographique d'ampleur qui suivra durant près de dix ans la vie de plusieurs agriculteurs de générations différentes.
Le dispositif est à la fois tellement simple, sobre et percutant. Raymond Depardon sillonne les routes de la Lozère et de la Haute-Loire puis vient poser sa caméra dans ces fermes isolées où se pratique encore une agriculture ancestrale. Peu de commentaires si ce n'est quelques mises en contexte en voix-off, Depardon filme ces dialogues qui viennent au fil de l'eau en fonction du contexte. Pas de chichi ni d'effets, simplement la volonté de représenter la réalité nue. La caméra est là, certains s'en amusent, mais on capte bien des émotions authentiques et c'est l'essentiel. J'ai aimé cette approche où le documentariste ne s'impose pas et laisse les sujets venir avec toujours respect et pudeur.
C'était un peu acté d'avance avant de lancer cette trilogie mais que j'aime ces films qui vont chercher des gens que notre société a trop vite tendance à laisser de côté, qui parviennent à trouver la distance juste sur l'observation, sans jugement et surtout sans misérabilisme (ce qui est à souligner vu la dureté de certains passages). Une émotion naît naturellement au fur et à mesure que nous faisons connaissance avec ces personnes tantôt taiseuses, tantôt complices, souvent usées. Depardon est parvenu à gagner la confiance de ces hommes et femmes pour nous livrer un beau geste de cinéma qui rend visible l'invisible.