Ô vous, nostalgiques des comédies de bidasses et des Charlots, biographes de Michel Sardou, mécènes de Christian Clavier, exégètes de l'oeuvre de Philippe de Chauveron, libres-penseurs qui utilisent le mot "wokisme" au premier degré, cosplayeurs de Frank Dubosc en maillot de bain, fous-furieux qui estiment que le 3eme des Bronzés est le meilleur des 3, croquemitaines incestueux qui n'aiment rien tant que de s'esclaffer en famille devant un sketch de Bigard en lâchant des caisses, amateurs de petites sauteries libertines rurales dans le Vaucluse, inconditionnels des Chevaliers du Fiel, maris fidèles inscrits sur la newsletter de Pascal OP, fervents auditeurs de Kevin Bossuet, de Pascal Praud et des Grands Gueules, radiologues trousseurs d'aides-soignantes, quinquagénaires impuissants qui trouvent que Angèle a une bouche de suceuse, dinosaures postant des memes obscènes et des boomer-traps sous leur vrai nom sur Twitter, gendres-idéaux gays refoulés cuir-moustache qui votent Reconquête pour que des drag-queens ne puissent pas tripoter leurs enfants à l'école, heureux possesseurs de posters de Alice Sapritch nue, joyeux pieds-noirs casse-pieds dont l'intégrale de La Vérité Si Je Mens trône fièrement dans leur dévédéthèque, entrepreneurs en chevalière/chemise Lacoste qui ne ratent ni un dîner en blanc, ni une chenille de Patrick Sebastien dans une salle polyvalente de Vierzon, ni un concert d'André Rieu diffusé sur le service public, cotisants exemplaires à la fédération française de lancer de nain, organisateurs de soirées défilés blackface, collectionneurs de 33 tours de Michel Leeb, lecteurs éperdus des Mémoires de Bertrand Cantat, adeptes de gangbang interracial en suite 5 étoiles à Pyongyang avec Yann Moix et Depardieu: ce film est votre Bible, votre guide spirituel, votre nanar pour vous gouverner tous et dans les ténèbres vous lier.
Pour bien rendre compte de l'ampleur de la chose, je vous ait retranscrit un monologue de... Claude Rich, qui y joue -avec une véracité assez terrifiante- le rôle du chef libidineux et prédateur. Claude Rich quoi, talent brut, en majesté, élégance naturelle, stats maxées en charisme et éloquence. Décalage de zinzin de voir un tel monstre sacré dans un machin pareil. Un peu comme d'imaginer Hervé Niquet dans un teknival en train de mixer de la gabber à 5h du sbah devant une foule de zombies kétaminés jusqu'à l'os.
Bref, lisez en ayant bien en tête son expression, sa voix onctueuse, son talent au service d'une tirade aussi navrante:
D'après votre inspecteur vous êtes une fonctionnaire modèle. Et si j'ai répondu favorablement à la petite promotion qu'il souhaitait pour vous c'est parce que les Postes ont besoin de personnes comme vous, toujours prêtes à rendre service... dans l'intérêt de tous et du votre en particulier.
*contre-champ sur la jupe de machin*
En restant ouverte... comme vous l'êtes, vous risquez bien sûr d'attirer contre vous les jalousies des boudins qui hantent notre administration. Mais vous monterez dans la hiérarchie, aussi surement qu'une minijupe le long d'une paire de cuisses. Est-ce que je peux vous demander.. d'arroser ma petite plante verte s'il vous plait?... *elle arrose la plante verte* Attention à ne pas en mettre partout!... Voila, comme ça c'est bien
*contre champ sur le miroir qui lui permet de la mater*
Ca suffit, merci! Mais vous devriez porter des jupes plus courtes, et plus évasées, ça vous ira très bien. Ah, ma pauvre femme, si avant de mourir, rongée par la maladie elle avait eu le temps de me donner une fille, j'aurais aimé qu'elle vous ressemblât. D'ailleurs vous ressemblez à ma femme... ça vous ennuie que je vous parle d'elle?
Promotion Canapé, son titre, son affiche, sa phrase d'accroche indicible et son casting, est un film, que dit-je, un précipité chimiquement pur des années 90, et qui m'obsédait depuis que j'ai découvert fortuitement son existence.
Après tout me dit-je, dans le genre comédie navrante j'ai survécu au Führer en Folie (un must si j'ose dire) et surtout au Astérix de Guillaume Canet, alors j'ai le cuir solide, il fallait bien que je saute le pas. Et heureusement dans ces cas là, on peut toujours compter sur un bienheureux détraqué de service qui a uploadé le film en 144p sur Dailymotion il y a 12 piges.
Mais non content de ce qui est dit plus haut, c'est vraiment daubé. Avec son arythmie comique à s'en arracher les gencives, son non-jeu généralisé, ses non-dialogues affligeants, son non-script, ses non-gags, ce prototype d'anti-comédie est une relique d'un temps révolu, un temps révolu où une scène de viol est drôle par principe et où (checkmate les féministes!) les femmes sont les premières responsables de leur sort. Un temps révolu qui suscite la perplexité, l'étonnement teinté d'une note d'effroi; au même titre que les cages de chasteté, les statuettes du démon Pazuzu, les engins de torture de l'Inquisition, les couteaux de sacrifice aztèques, les pantalons de MC Hammer ou les disques de Mireille Mathieu. Je pense très franchement que le jour où ce truc est rediffusé à la télé, ça déclenchera une guerre civile en France.
Bon on va pas se mentir, si j'ai regardé le premier tiers attentivement, le 2eme tiers je me suis mis en split-screen, puis le 3eme tiers je me suis lancé en même temps une partie de Hell Let Loose pour suivre juste l'audio, car le fracas des obus de 155mm me semblait toujours moins flippant et lourd que la balourdise de ce flim.
Passé le pitch de base (2 garces montent à Paris pour devenir fonctionnaires et découvrent bien vite -en fait, dans l'heure même de leur arrivée- l'importance de se faire bien voir par son chef pour évoluer), voici quelques exemples de ce qui fait de cette sordide Promotion Canapé un cas d'école de comédie plantigrade typique des années soixan… euh, 90 (COMBIEN?) :
- en guise de 1ere scène comique, un pastiche ultra lourd et évident de la-scène-que-absolument-tout-le-monde-connaît. Ce coup-ci, c'est (soupir) Pierre Richard qui s'y colle pour refaire le sergent de Full Metal Jacket -sorti la bagatelle de 3 ans auparavant.
- une vision démago +++ des fonctionnaires de la Poste, qui y sont tour à tour incompétents, chapardeurs, maladroits, fainéants, carriéristes. Les femmes y sont toutes des tchoins aux dents aussi longues que leur derrière est accueillant, tandis que tous les hommes y sont des Gérald Darmanin qui monnaient qui une promotion, qui un logement, qui j'sais pas quoi, contre une pipe.
- un mawtiniquais y a bon en chemise à fleuw qui s'enjaille su' du zouk et avec un asseng koum ça
- Eddie Mitchell en syndicaliste CGT encore plus raciste que le scénariste (seigneur)
- du cabotinage extrême à côté duquel Jackie Chan passe pour Ryan Gosling
Pour finir, Promotion Canapé fait partie de ces comédies complètement névrosées. J'entend par là que tous, mais alors TOUS les dialogues ne parlent QUE de cul, de tromperies et de cul. De la même manière que tous les dialogues de Doutes ne glosaient que de l'héritage de Mitterrand (rappelez vous ce drame dramatiquement drôle avec un Benjamin Biolay bouffi comme un ado mal réveillé et un Christophe Barbier amidonné comme un paquet de pâtes), ou que ceux de Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ne parlent QUE de racisme (alors que personne ne fait ça dans la vraie vie, enfin rassurez-moi svp).
Finalement, le cul, et si c'était comme la confiture?
Mine de rien, plus d'1 millions d'entrées à l'époque.