Inoubliable et pratiquement indescriptible ! Je me garderai bien d'expliquer cette resplendissante cacophonie visuelle que constitue le Prospero's Books de Peter Greenaway : sidérante, ampoulée, amphigourique cette adaptation shakespearienne figure parmi les plus grands chefs d'oeuvre du cinéaste, au même titre que le redoutablement stimulant Drowning by Numbers ou le très éprouvant The Baby of Mâcon.
En quelques mots d'éloge et de complète fascination : un texte visuel, sonore, musical et scénique se réinventant seconde après seconde, un îlot d'ivoire contrecarrant l'adversité au gré d'ouvrages spécifiques ( botanique, sexualité, sciences occultes ou que sais-je encore...), des satyres drapés dans de somptueux envoûtements de fumées, une nébuleuse intrigue de duché et de trône usurpé ; couleurs ravissantes, sens et conscience en éveil d'une image à l'autre, musique de Michael Nyman admirable, photographie titanesque du génial Sacha Vierny...
Le film se met lui-même en abyme, décuple le champ des capacités cinématographiques avec une brillance unique, rébarbative certes mais indiscutable. Noyé par les pages, subjugué par cette île-pandémonium et stupéfié par la réalisation protéiforme de Peter Greenaway le spectateur redécouvre le Septième Art au détour d'un mémorable syndrome de Stendhal. Une pièce maîtresse à vivre au moins une fois, parfaitement indispensable doublée d'une place majeure dans la filmographie de Greenaway. Unique !