Providence
7.2
Providence

Film de Alain Resnais (1977)

---Bonjour voyageur égaré. Cette critique fait partie d'une série. Tu es ici au cinquième chapitre. Je tiens à jour l'ordre et l'avancée de cette étrange saga ici :
https://www.senscritique.com/liste/Beauty_of_the_Beast/1620017#page-1/
Si tu n'en a rien a faire et que tu veux juste la critique, tu peux lire, mais certains passages te sembleront obscurs. Je m'en excuse d'avance. Bonne soirée. --


Les jeunes sont revenus. Sous leur forme humaine, certes, mais ils ont l'air -ou au moins l'un d'entre eux- d'avoir compris qu'ils peuvent activer aux moins leurs sens de loups à loisir. Et ils ont reçu mon message. Incapable de répondre de manière loup, les faibles m'ont laissé un vulgaire cahier, vierge, si ce n'est la première page, ou l'unique mot « jamais » était tracé gauchement. Jamais. Ha ! Ils m'ont fait rire. J'ai déchiqueté la page d'un coup de griffe, et j'ai écris mon nom sur la page suivante. Ça risque de les calmer. 
Satisfaite de ma toute puissance, je suis retournée dans ma tanière humaine pour voir la pièce à conviction du jour. Film un peu particulier, que je n'ai pas trouvé par les circuits conventionnels et les listes classiques de films de loup-garou. En fait c'est mon humaine qui en a entendu parler, par un de ses enseignants, qui racontait une anecdote de tournage. Paraîtrait qu'il y a un loup-garou, et même qu'il meurt. Merci pour le spoil avais-je pensé en écoutant l'anecdote, mais après avoir vu le film je peux te rassurer lecteur : Ce film n'ayant absolument aucun sens, le fait que le loup-garou meurt ou non et quand n'a absolument aucune forme d'importance.
Je me suis donc faite piéger pour la deuxième fois du mois par un film prétendument de loup-garou, mais qui n'en est pas vraiment un. Le film est un va et viens incessant entre le quotidien infesté de maladie d'un personnage, et ses divagations d'écrivain sur le déclin, voyant pour la dernière fois ses personnages, et cherchant la meilleur fin à leur donner pour leur accomplissement avant que lui même ne les quitte. La lycanthropie n'était visiblement pas un sujet de prédilection de notre auteur mourant, qui préférait le mélo pathétique. Et s'il y a bien des loups, ils sont plutôt là pour figurer la transformation, incarner l'animalité de l'espèce humaine, bref, pour métaphoriser plutôt que pour exister. Et si j'ai plus ou moins compris ça, je n'ai pas compris grand chose d'autre au film. La fin me reste un mystère opaque total (pourquoi ne pas accepter de dire au revoir ? Qui a-t-il à comprendre à ça ?), le personnage du footballeur a certainement un intérêt plus grand que celui de simplement faire des apparitions rigolotes, et pourquoi l'avocat change-t-il son caractère du tout au tout pendant le film ? Car ce qui est terrible avec Alain Resnais, c'est qu'on sait qu'il y a mille chose à comprendre au-delà de ses films. C'est ce qui les rends aussi ardus que passionnants. Mais cette fois-ci je me suis piégée moi-même, en le regardant avec mes yeux de louve plutôt qu'avec mes yeux de cinéphile. C'est dans un cas aussi extrême que je me rend compte de l'aspect unique de mes démarches du mois de novembre. Tout ce que je ne vois pas dans les films parce que ce n'est pas ce que je recherche. Et tout ce que je vois aussi, que je n'aurais pas vu dans un contexte plus classique. Le simple fait d'entamer le mois-monstre, c'est déjà se transformer en celui-ci. Et si il m'a fallut l'année dernière presque une quinzaine de jours avant de changer physiquement, c'est bien dès le premier jour que mon regard sur le monde avait changé. Cette fois c'est différent. Je suis lycan depuis bien avant que les Hommes n'ai l'idée même du cinéma (oui je connais le mythe de la caverne. Avant j'ai dit.), et j'avais mon regard de loup avant d'obtenir mon regard d'humaine. Mais je me suis laissée ensevelir sous l'humanité, gardant ma facette louve comme un gadget amusant. Diable de moi. Je me suis oubliée. Comble, c'est la facette la plus humaine de ma personne, mon amour pour le cinéma, qui m'a ramené à ce que je suis grâce à ce mois loup-garou, grâce à cette révélation du jour 5. Je suis une louve. L'un des plus vieux loup-garou du monde, et l'un des plus puissants. J'ai décidé que j'aurais cette meute et je l'aurais. J'ai décidé que je trouverai Wulver et je le trouverai. J'ai décidé que je retrouverai mon amour et je le ferai. J'ai décidé que je regarderai tous ces films et je le ferai. Car je ne suis plus totalement une louve. Je ne suis pas non plus totalement humaine. Je suis exactement entre les deux. Et c'est justement ça qui me rend immortelle.
Zalya
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Beauty of the Beast

Créée

le 14 nov. 2017

Critique lue 248 fois

Zalya

Écrit par

Critique lue 248 fois

D'autres avis sur Providence

Providence
Thaddeus
10

Au cœur de la création

Récit double, récit multiple, on caractérise souvent l'œuvre d'Alain Resnais comme une série d'exercices formels où le souci de créer des structures inédites l'emporte sur la lisibilité narrative...

le 5 sept. 2022

18 j'aime

2

Providence
Sergent_Pepper
8

Cathédrale de la douleur

La fascination de Resnais pour l’indicible est souvent passée dans son processus de création par une arme à double tranchant : celle de la déconstruction. C’est ce motif qui structure l’intégralité...

le 8 sept. 2020

11 j'aime

Providence
Plume231
4

Singulier, audacieux, mais me sort par les yeux... !!!

Je vais faire une confession. J'ai beau lui reconnaître une singularité et une audace, le cinéma d'Alain Resnais me sort par les yeux par l'ennui profond qu'il procure chez moi. Providence n'est pas...

le 13 mars 2016

8 j'aime

1

Du même critique

Whiplash
Zalya
9

Critique de Whiplash par Zalya

Me voila encore une fois obligée de saluer le travail du chef-opérateur, pour sa réflexion sur les cadres, avant le tournage, et le soin apporté à ceux-ci, pendant. Évidemment, bande son formidable,...

le 29 févr. 2016

4 j'aime

Les Ensorceleuses
Zalya
6

Chasse aux Sorcières – Jour 16

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au...

le 10 nov. 2020

3 j'aime

Les Derniers Jours de Pompéi
Zalya
7

Fast critique

Parlons peu, parlons bien : -Oui, le scénario est ultra-convenu et cousu de fil blanc. -Oui, les acteurs sont catastrophiques et dans le sur-jeu en permanence. -Oui, toutes les autres critiques qu'on...

le 18 janv. 2017

3 j'aime