Avant toute chose, Psiconautas n’est pas pour les enfants. Ce n'est pas comme chez Burton ou Selick, dont les films d'animations (je pense entre autres à Coraline), même s'ils sont glauques, restent tous publics.


Psiconautas traite vraiment de thématiques abruptes, qui peuvent aisément mettre mal à l'aise un adulte : sang, racket, drogues, écartèlement, infanticide... Ce film n'est pas là pour nous caresser dans le sens du poil. Mais la violence n'est pas gratuite, elle vise à dénoncer le fonctionnement d'une société dans laquelle les protagonistes sont piégés, et dont ils subissent tous les revers, chacun à leur niveau.


L'esthétique du film est une de ses énormes qualités. Outre ses dessins magnifiques, il fait preuve d'une grande ingéniosité quant à l'utilisation des ombres (avec entre autres son introduction semblable à du Ocelot), parfois expressionnistes, et des couleurs concrétisant l’état d’esprit des personnages, et accentuant souvent la noirceur du récit.


Mais il faut également découvrir Psiconautas pour ses personnages, tous plus charismatiques les uns que les autres. Le style choral qu'adopte le film permet d'ailleurs leur attribuer à chacun une place équivalente. Bien sûr, le personnage central reste Birdboy, muet et mystérieux, qui évoque un peu le personnage d'Hollow Knight (bien que créé préalablement), avec le même regard mort et vitreux, mais dans une ambiance qui rappellerait plutôt les jeux de chez Playdead.


Dans cette ambiance sombre se dégage une symbolique profonde, qui effleure même le surréalisme et un vague onirisme. Mais il y a également quelque chose d'Orwellien dans ce film, avec une autorité qui rejette toute résistance, avec des pilules conférant un bonheur artificiel, avec une volonté, selon le père de Dinky, « d'être comme tout le monde : une famille normale », somme toute : être comme l'exige la société dans laquelle évoluent nos protagonistes.


Cette société est hyper-industrialisée (décrite au début du film) et futuriste (les objets parlent et sont dotés de conscience), voire post-apocalyptique. Il s'agit également d'une société inégalitaire (il n'y a qu'à voir la place des rats dans le film) et souffrant d'une catastrophe écologique (plus aucun poisson dans la mer, accumulation exponentielle de déchets). Lorsque tout est mis à plat, on constate un parallèle évident avec notre monde à nous, ou plutôt à celui qu'on laisse aux générations futures, métaphorisées ici par des adolescents en désaccord avec le monde adulte et cherchant à le fuir. La scission entre les adolescents et les adultes, et par extension le passage à l'âge adulte, est d'ailleurs une thématique plutôt en filigrane, mais qui traverse tout le film.



Nous sommes ce que nos familles sont.
Alberto Vázquez



Appuyé par des scènes d'une intensité rare et d'une musique poignante, Psiconautas nous délivre un message fort avec originalité et subtilité. S'il peut paraître particulièrement obscur et brutal au premier abord, il laisse énormément de clés pour le décrypter, et on se surprend ainsi à y repenser et en faire différentes lectures. C’est là toute la profondeur des histoires libres comme celle de Psiconautas.

Monsieur_Cintre
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 100 Films et Les plus belles affiches de films

Créée

le 13 avr. 2020

Critique lue 284 fois

5 j'aime

3 commentaires

Monsieur_Cintre

Écrit par

Critique lue 284 fois

5
3

D'autres avis sur Psiconautas

Psiconautas
OrCrawn
10

Critique de Psiconautas par OrCrawn

Quand la vie vous offre des occasions, il faut les saisir. C'est donc sans vraiment m'y attendre que j'ai vu Psiconautas au cinéma pendant un festival au forum des images. Il a l'air tellement...

le 10 déc. 2016

23 j'aime

Psiconautas
LéoCorroyer
10

Les oiseaux et les chiens

Sur une île en proie à un désastre écologique et se couvrant peu à peu de déchets, deux histoires parallèles. D'un côté, Birdboy, hanté par ses démons et traqué par la police, erre vainement entre...

le 25 mai 2017

20 j'aime

Psiconautas
MrJustQuentin
8

QUAND LE DÉSESPOIR PREND DES ATOURS POÉTIQUE

Critique publiée sur Eklecty-City.fr De prime abord, le paysage du cinéma d’animation semble s’adresser uniquement à un public enfantin. En effet, même si la japanimation brise régulièrement la...

le 16 déc. 2017

9 j'aime

Du même critique

The Big Lebowski
Monsieur_Cintre
10

Tout commença par une souillure de tapis...

En 1998, les frères Coen ont déjà maintes fois affirmé leur style à la fois étrange, absurde, dramatique, noir et comique. Un savant mélange qui, deux ans après la réussite de Fargo, donnera...

le 26 avr. 2020

19 j'aime

3

Les Aventuriers de l'arche perdue
Monsieur_Cintre
5

Archéologue : un métier badass

Je trouve que Spielberg a un sens tout particulièrement affûté lorsqu'il est question de rythmer ses films. Il rend la narration très simple, si bien qu'à chaque moment du film, nous savons à peu...

le 1 oct. 2018

18 j'aime

5

Mon nom est Personne
Monsieur_Cintre
7

Le chemin vers la reconnaissance

Mon Nom est Personne est à la fois un western spaghetti et un hommage au genre. Il s'agirait à l'origine d'un projet de Leone - le roi des spaghettis - qui en est le producteur, et qui souhaite...

le 5 sept. 2020

17 j'aime

10