Après le beau mais pénible Les loups, Hideo Gosha nous livre un yakuza eiga dans la droite lignée des Kinji Fukasaku, introduit par une entraînante musique de flamenco, une note d'exotisme agréable et dont le rythme péchu tranche avec la lenteur soporifique de son dernier film. Cependant, on retrouve tout le sel de son cinéma, car on y peint, une fois de plus, une époque finissante avec des chefs de clan qui se sont rangés pour se reconvertir dans les affaires légales, laissant derrière eux des membres qui n'ont pas changé de nature au fond, et donc prêts encore à se narguer, s'affronter, et se délecter de violence comme au "bon vieux temps".


Par contre, le récit relativement chaotique et alambiqué m'a passablement dérangé, même s'il reflète également le manque de maîtrise du groupe qui est à l'origine de ce bordel qui se crée de toutes parts, soit d'anciens membres laissés pour compte, motivés à recevoir l'argent de leur pièce. Et puis j'ai aussi retrouvé quelques curieux papiers-collés du Sang du damné (comme le frère décédé réduit à l'anonymat d'un simple cadavre, ou encore la façon dont certains sont exécutés). Malgré cette petite impression de redite, l'ambiance n'en est pas moins assez unique dans la filmographie de Gosha, ce dernier renouvelant une fois de plus sa patte graphique pour nous proposer cette fois-ci un polar hard-boiled rempli d'idées sympathiques, essentiellement issues de la pop-culture de l'époque, portant ainsi l'empreinte de Suzuki (l'utilisation des couleurs), du pinku eiga (avec une scène saphique qui surprend), et du giallo (illustré par un drôle de travesti tueur).


En résulte un yakuza eiga certes parfois confus dans sa narration (ce qui m'empêche de le ranger au rang des meilleurs du genre), mais souvent jouissif dans son exécution, dont la grande force est d'assumer, avec panache, ses différentes influences esthétiques et ruptures de ton. Ainsi on passe allègrement de séquences relativement légères (comme le règlement de comptes du début dans le bar et dans le lit, ou encore la descente à la cool rassemblant deux potes yakuzas) à d'autres qu'approuveraient Fukasaku ou Peckinpah dans la tournure amère et nihiliste qu'elles prennent. A l'image de cette séquence finale dans un poulailler où tous les occupants en font leurs frais, parasites indésirables que la nouvelle clique se doit d'éliminer s'ils veulent continuer à faire fructifier leurs affaires. Bref, il ne fait pas bon d'être marginal dans ce monde où le milieu criminel, plus sournois que jamais, n'a fait que changer de forme.

Arnaud_Mercadie
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le 21 avr. 2017

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Dun

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