Hommage à une vieille dame

Hommage à la cathédrale Notre-Dame de Paris à travers cette adaptation d'un des plus grand chef d'œuvre de la littérature française. A chaque adaptation son lot d'interprétation et de modification. Et William Dieterle ne s'en prive pas en proposant une version bien éloignée de celle d'origine. Par exemple chez Victor Hugo le personnage de Jean Frollo (frère de Claude Frollo) est un étudiant subversif à la vie dissolu. Chez Dieterle il devient ni plus ni moins que l'évêque de Paris, un homme pieux à la morale irréprochable, aux antipodes du personnage originel.

Je n'ai pas compris ce que cette transformation majeure pouvait apporter à cette adaptation. Dieterle aurait très bien pu s'en passer. Cependant la plupart des choix qu'il fait sont intéressant et méritent que l'on s'y penche.

Victor Hugo était passionné d'Histoire, et ceux qui ont lu le roman ont été impressionné par l'immense travail de recherche que celui-ci à effectué dans le but de reconstitué le Paris du 15e siècle. Son ouvrage se voulait le plus proche possible de la réalité dans sa dimension historique. Dieterle apporte sa propre vision de cette période, qui est une transition entre le Moyen-âge et la renaissance. Ainsi il ajoute plusieurs séquences, comme celle d'ouverture dans laquelle les personnage s'émerveille ou s'inquiète d'une toute nouvelle invention : l'imprimerie. On y évoque aussi les projets de Christophe Colomb, léger anachronisme car nous sommes sous Louis XI (1461-1483), et le premier projet de voyage est formulé en 1484. Pas de chance. Au milieu de cette société et de cette capitale sur le point d'effectuer un grand bond en avant, Notre-Dame de Paris apparait comme la forteresse inébranlable d'une culture capable de résister aux siècles qui passent. Et forteresse elle le deviendra à la fin de l'histoire…

Autre apport de Dieterle, c'est l'important aspect social qu'il donne à son œuvre. Les intrigues amoureuses autour de la belle Esmeralda sont reléguées au second plan. La belle se résume presque au rôle de symbole d'une caste méprisée et persécutée au Moyen-âge et au fil des siècles : les gitans. Cette communauté se voit frapper de multiples interdictions, comme entrer dans la ville de Paris (une scène qui n'est pas présente dans le roman). Le spectateur est frappé de l'injustice de ses lois et des préjugés qui pèsent sur cette communauté.

Or nous sommes en 1939, et cette volonté d'insister sur le sort des opprimés fait forcément écho avec ce qui ce passe depuis plusieurs années en Allemagne nazi, en Italie fasciste, voire même en URSS. Cet aspect n'est pas tout a fait absent dans le roman, mais Dieterle le place au premier plan, transformant ainsi l'œuvre de Victor Hugo en pamphlet anti-fasciste. Avec même une mise en abime, puisque le réalisateur se voit comme le personnage du poète Pierre Gringoire, qui tente de faire libérer Esmeralda grâce à son art et sans utiliser la violence.

La toute puissance de l'artiste face à une société injuste. C'est comme ça que Dieterle à perçu la fabuleuse histoire de Victor Hugo, rendant son adaptation des plus intéressante. Près de 15 ans plus tard Jean Delannoy choisira une voie bien différente qui est celle de la fidèle adaptation pour son film que j'ai préféré à celui-ci. Quoi qu'il en soit ce Quasimodo mérite que l'on s'intéresse à lui, et constitue effectivement un bel hommage à la cathédrale Notre-Dame de Paris.