Manières souples et idées rances

À l'opposé de The Hate U give on a ici un exercice de charme, sans appel à une rupture profonde ou au conflit. Pas brillant et encore moins original, mais 'doux' sauf pour charger les blancs en ignominies (servant l'habituel portrait lamentable des policiers, mais aussi dans le détail des rencontres, avec ce blanc de la station-service, le psychopathe visqueux de cave ou de campagne typique dans les films ou téléfilms grand-public). Politique mis à part c'est un road-movie attractif carburant à l'injustice et à la fuite en avant, avec des anti-héros malgré eux, aux passages à l'acte forcés. Ces fuyards sont des 'étrangers' et pourtant leur nation réelle et leur peuple sont partout en chemin. Ils deviennent un phénomène, avec ses dérives comme celle du gamin – mieux vaut devenir un symbole que mener sa vie certainement ordinaire et décevante !


Des contradictions internes à la 'communauté' noire apparaissent ainsi que des profils peu flatteurs et caricaturaux mais qui ne semblent pas vécus comme tels dans le film ; en particulier le mac oncle Earl... heureusement le système blanc est là pour justifier sa déchéance ! Ce serait bon de projeter ce qu'il serait sans, mais justement, là est la tragédie dans laquelle nous plongent les blancs : un monde sans leur influence oppressive n'est malheureusement pas réaliste (les hommes aussi en général sont un peu toxiques mais également bêtes et gentils alors il faut laisser couler) ! Enfin malgré le soutien tribal il n'y a pas d'unanimité (non plus du côté féminin, c'est une femme qui tire à la fin) et une variété de prolos coopèrent pas ou mal avec Black'n'Clyde, certains y compris l'oncle ont des réticences et placent leur intérêt en premier. Reste qu'à chaque confrontation le film tente les limites du ridicule et du vraisemblable, jusqu'à les exploser lors de la conclusion ; même sans hargne aveugle il reste turbo BLM avec victimisation outrancière – fondée ou pas, c'est tout ce qui détermine la pertinence de sa démarche.


Sur la forme pas besoin de débat ou de réflexion pour voir la réussite, même si davantage de stress ou d'agressivité seraient nécessaires pour rendre le film poignant et pas simplement engageant et équilibré. La narration est efficace et multiplie les gros coups de pression et les situations de piège. La musique passe par plusieurs niveaux (criarde chez l'oncle, 'soupe' mielleuse dans le générique de fin), est souvent agréable. Et le casting est surprenant puisque Sevigny se montre encore capable d'interpréter un personnage non punk en semblant parfaitement à l'aise, tandis que Kaluuya confirme cette étrange capacité à enfiler des costumes de mollusques sans assommer d'ennui (même dans Nope).


https://zogarok.wordpress.com

Zogarok

Écrit par

Critique lue 18 fois

D'autres avis sur Queen & Slim

Queen & Slim
Theloma
7

Making murderers

Melina Matsoukas s’est fait connaître depuis une quinzaine d’années pour sa réalisation de clips musicaux. Avec Queen & Slim, elle réalise un premier film ambitieux quoique parfois maladroit dans...

le 13 févr. 2020

26 j'aime

12

Queen & Slim
Mr_Purple
4

Tinder c'était mieux avant

Franchement y a même pas grand chose à dire de ce film à part s'étonner des réactions positives qu'il reçoit alors que c'est quand même un bon gros chewing-gum étasunien agréable à mâcher au début...

le 17 févr. 2020

21 j'aime

2

Queen & Slim
xlr8
8

De la fatalité...

Voir la bande annonce de Queen & Slim m'a donné envie d'écrire une critique. Elle est très bien faite, elle est "catchy", mais elle ne reflète absolument pas ce qui fait la force et l'essence de...

Par

le 8 févr. 2020

19 j'aime

8

Du même critique

La Haine
Zogarok
3

Les "bons" ploucs de banlieue

En 1995, Mathieu Kassovitz a ving-six ans, non pas seize. C'est pourtant à ce moment qu'il réalise La Haine. Il y montre la vie des banlieues, par le prisme de trois amis (un juif, un noir, un...

le 13 nov. 2013

49 j'aime

20

Kirikou et la Sorcière
Zogarok
10

Le pacificateur

C’est la métamorphose d’un nain intrépide, héros à contre-courant demandant au méchant de l’histoire pourquoi il s’obstine à camper cette position. Né par sa propre volonté et détenant déjà l’usage...

le 11 févr. 2015

48 j'aime

4

Les Visiteurs
Zogarok
9

Mysticisme folklo

L‘une des meilleures comédies françaises de tous les temps. Pas la plus légère, mais efficace et imaginative. Les Visiteurs a rassemblé près de 14 millions de spectateurs en salles en 1993,...

le 8 déc. 2014

31 j'aime

2