Polly Maggoo ?!

William Klein, photographe, a, avec Robert Frank, insufflé un vent de modernisme à la photographie, dans les années 50-60 en jouant sur les flous, les visages serrés, les mouvements.

William Klein, réalisateur, est pour moi une révélation totale : son film "Polly Maggoo" est un petit chef-d'oeuvre d'humour, d'audace et d'intelligence. Vraiment, je n'en attendais pas tant.

C'est l'histoire d'une jeune mannequin, de sa vie, à travers un reportage télé nommé "Qui êtes-vous Polly Maggoo?", qui la filme à son insu. Un des points cruciaux à la compréhension du film réside dans cette mise en abyme par le titre : on peut penser que le film est le reportage télé lui-même, auto-documentaire, auto-fiction, rêves et fantasmes reconstitués... Ainsi il échappe habilement à la catégorisation et devient un objet assez unique, mi-film mi-reportage, mi-documentaire mi-"fuite-onirique-à-là-Gilliam". Le tout baignant dans un ton assez caustique, pas désagréable.
Tour à tour poétique, charmant, acerbe, triste et pythonesque, il est une condensation de l'imagerie de la Nouvelle Vague : dialogues malins à la Rozier (le monde de la télévision rappelle celui de son premier film, "Adieu Philippine") ; le fantasme de l'américaine, jeune ingénue (dans A bout de souffle par exemple) ; les déambulations dans le Paris pseudo-artistique et le monde de la mode présenté dans toute sa délicate cruauté.

L'élégance et la beauté des plans (cf la chambre du prince) est sublimée par une photographie irréprochable, variée... mais pas uniquement. Klein réussit en fait à faire oublier qu'il est un photographe par vocation en nous imposant un univers si riche, si ouvert, que la photo suit naturellement le récit sans se mettre en avant. Collages, séquences quasi-abstraites où l'on perd le fil de la narration pour mieux mettre en avant les pensées de Maggoo, le film, tourné en 66, paraît aujourd'hui étonnamment moderne, complexe, et en même temps ne se prend jamais au sérieux, restant très créatif et très décontracté. Une perle, vous dis-je.