Méconnu en France, et bien sûr, pas édité en DVD, nous voilà face à l'une de ces perles dont nous autres français devrions nous priver si les plateformes de cyber-cinéphiles pirates n'existaient pas. Bien heureusement, le film bénéficie d'un Blu-Ray très propre outre-atlantique, ce qui permet de découvrir cette oeuvre dans des conditions optimales, si du moins vous êtes assez calés pour déchiffrer des sous-titres de dialogues cockneys qui feraient pâlir d'envie Michael Caine tant les "Bloody" et autre "Fucking" sont omniprésents dans les discussions de ces gangsters londoniens.

Réalisé par cet illustre inconnu qu'était John Mackenzie dont je découvre en ce moment le travail par le pur des hasards. Ayant vu The Fourth Protocol, quelques jours avant The Long Good Friday, je me suis retrouvé assez ahuri en lisant le nom de ce réalisateur anglais au générique, ne sachant aucunement qu'il en était le metteur en scène. Mais assez palabré, il est tant de s'atteler au film.
The Long Good Friday est un film de gangsters, et comme nous aimons tous les films de gangsters, la barre a une certaine tendance à se placer très haute. Les Américains ont leur propres cultures à ce niveaux là, qu'ils soient italiens, juifs ou Irlandais, leurs malfrats nous fascinent assez régulièrement dans les travaux d'illustres noms tels que Scorsese, Coppola ou encore De Palma (ô Brillant). Mais voilà,dans le cinéma de nos voisins buveurs de Guiness, ce n'est aucunement le genre qui nous fascine le plus tant il est, soit méconnu, soit bien en deça de ce que font les colons d'outre-atlantique. Et pourtant le film de John Mackenzie n'a rien à envier aux frasques de ces derniers.
Le film possède tout d'abord une esthétique singulière, le chef-opérateur Phil Meheux dont on connait le talent et le goût pour la photographie assez froide et réaliste, fait des merveilles en donnant au film un aspect glacial, parsemé de plans d'illustrations aussi beaux qu'originaux. Pour un film au budget dérisoire (même en 1980) de moins d'un millions de livres, il est assez surprenant de voir quelques idées visuelles sortir encore aujourd'hui du lot. Cet aspect technique souffre certes de l'année de production du film, la photographie en règle génrale à cette époque n'étant pas très jolie, mais ce serait tenir rigueur au film d'un point de vue personnel, relevant plus de goût que de la qualité technique, je n'aime pas énormément la photo de cette époque, c'est mon problème, pas celui du film...
Film dont le scenario est lui aussi une réussite. Sous fond de crime organisé, Barrie Keeffe, dramaturge anglais travaillant essentiellement pour le théâtre parvient à créer une histoire bien plus intéressante qu'une simple guerre de gang vue et revue dans le Film Noir. The Long Good Friday devient la lutte d'un homme voulant s'affranchir des frontières entre l'ancien et le nouveau-monde pour créer un syndicat du crime international basé à Londres, se heurtant néanmoins aux démons propres au Royaume-Uni de cette fin des années 70. Le film dépeint une intrigue à facettes, dans laquelle des personnages hauts en couleurs veulent moderniser une Londres criminelle et lui offrir un avenir plus radieux, ce qui permet d'ajouter aux personnages une conscience sociale assez intéressante.
Intéressante, d'autant plus que les protagonistes sont portées par des acteurs exceptionnels. Bob Hoskins en rôle principal est incroyable, et incarne parfaitement son personnage dont l'évolution est scénaristiquement tout à fait maîtrisée. Il est de ces acteurs qui resteront dans les mémoires, et Bob Hoskins en fait partie, même s'il est peut-être plus célèbre pour avoir incarné Super Mario que ce rôle-ci. Son personnage est difficile, et pourtant il le joue à merveille de bout en bout, grâce à sa gouaille, à sa bonhommie trapue et à ses excès de rage détournant le flegme dont il fait preuve à bon escient. Amenez lui dans les pâtes une Helen Mirren on ne peut plus inspirée, qui crée un personnage de femme de mafieux forte qui tient l'affaire avec son mari, et non en retrait comme dans la plupart des films du genre. Son rôle est sans doute le plus original du film tant il contraste avec ce que l'on voit d'habitude. Ce couple est bien sûr secondé de rôles aussi charismatiques comme P.H. Moriarty, Paul Freeman ou encore Eddie Constantine, qui porte le toupet comme personne. Vous pourrez même y voir un Pierce Brosnan, qui joue les bellâtres fatals...

The Long Good Friday est un film méconnu, mais demeure une oeuvre majeure dans le film noir contemporain. Loin de recycler les fresques criminelles propres à Raoul Walsh comme le font Scorsese et De Palma (ô Brillant), John Mackenzie réalise un film visuellement sobre, mais au scénario des plus originaux et prenant, dirigeant ses acteurs de manière intelligente et proposant un portrait du crime organisé Londonien des plus crédibles, porté par une Bande Originale des plus étonnantes, puisant autant dans les synthétiseurs de Michael Small, que dans la Pop anglo-saxone de l'époque. Un petit chef-d'oeuvre qui gagnerait à être connu, ne serait-ce que pour relancer ce genre moribond et pourtant si intéressant.
ArthurMonkeyman
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le 30 avr. 2013

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ArthurMonkeyman

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