Coïncidence, on a vu The purge 3 et rampage 3 sortir cette même année. Et malheureusement pour Uwe Boll, dénoncer Hollywood n'est pas ce qui améliore le niveau de son oeuvre. L'allemand aura beau souligner sa haine de Michael Bay, de Lone soldier (qui l'enterre au passage en termes d'efficacité et de sens), de Britney Spears et des icônes américaines (le postulat du film : Bill Williamson décapite l'Amérique en abattant le président, le vice président et secrétaire à la défense), il ne parvient jamais à nous faire embrasser la cause de son rebelle tueur de masse, et d'ailleurs, quel message maousse promet-il ? Le chaos par l'insurrection et la destruction des élites.


Se fondant sur les bases de Rampage 2 qui faisait déjà l'apologie du bordel politiquement incorrect justifiant la colère et donc l'usage de la violence, Rampage 3 démarre très vite avec l'anti-américanisme primaire de son personnage, qui décide de frapper au coeur de l'Amérique pour châtier la politique étrangère d'ingérence et la crise économique qui plombe le monde. L'idée est fascinante, le résultat d'une connerie abyssale. Car le personnage accumule les déclarations démagogiques sans jamais nuancer a minima son propos. Il est pour le recyclage, l'écologie et le partage des ressources, contre toutes les religions (même si certaines sont bien) et pour les progrès de la science. Mais nos élites riches corrompues nous minent et il faut les exterminer. Ainsi promeut-il l'extermination de 0.1% de l'espèce humaine (il diminue un peu, seul les ultra riches doivent mourir) en affichant une vision pessimiste du monde qu'il veut faire culminer en chaos incontrôlable (un souhait qu'exhausse Uwe Boll dans sa conclusion). Le film appuie donc l'apologie de la violence (cathartique) de son héros, sans mettre de musique patriotique toutefois pour garder l’ambiguïté d'une possible mise à distance (qui ne fait pas illusion une minute). On tient là un film d'anarchiste primaire, qui croit que le chaos mondial et l'accumulation des problèmes justifie une prise totale de libertés. La notion de justice personnelle est une chose délicate, mais ici, le film promeut "fais quelque chose pour que ça change, même si ça coûte la vie à d'autres". A ce stade, on est en plein dans un dilemme à la Démocraties/Daesh.


Politiquement, le film promeut le chaos avec une vision du monde partielle (il considère l'influence des gouvernements sans tenir compte des populations qui sont pourtant son coeur d'audimat, youtubeur qu'il est). Formellement, le film est d'une fadeur assez plombante. Si le contexte politique agite toujours quelques cellules grises, il s'agit d'un thriller pataud ou, après l'attentat, on suit l'absence de progrès d'une équipe de fédéraux qui tente de retrouver l'assassin du président pendant que le tueur évoque ses sentiments de vie et famille et vomit sa désillusion du système et de l'Homme. Je suis d'accord avec la désillusion du système, mais encore une fois, constater les problèmes ne donne aucune justification à des actions criminelles de cette envergure. Le film passe sous silence des détails techniques capitaux (comment un teubé comme Bill Williamson a accès à un arsenal de cette ampleur ? Le shopping sur internet ne justifie pas des pains de C4 et d'un basooka !), et se révèle d'un manque de rythme déconcertant. La fusillade finale est un moment d'ennui de belle ampleur à ce stade (des équipes du SWAT qui font des sauts sur des trampolling pendant que des petites explosions leur jettent du polystyrène dessus), et la maigreur de l'argumentaire politique achève de donner à cette conclusion famélique un goût de cendre, montrant que Boll, avec un sujet en or, a explosé en plein vol et en est maintenant réduit à fouiller les décombres pour trouver encore quelques trucs à dire. La désillusion peut être certes une nécessité pour comprendre les limites d'une situation et amorcer un changement, mais promouvoir la violence et l'agitation est, pour le coup, peu adapté dans ces circonstances (une flambée d'attentats sans mouvement fédérateur, comme si un youtubeur pouvait défaire un gouvernement avec une action terroriste), et d'un démagogisme assez insultant pour son public. Le gouvernement est en échec et toi tu ne fais rien petite chatte ! Va buter du riche et montrer que tu as des couilles ! Va tuer Black M et Nicki Minaj pour prouver que tu es quelqu'un de bien. L'équilibre entre irresponsabilité démago et défouloir cathartique est difficile à atteindre. Uwe Boll cherchait sans doute à devenir le nouveau God Bless America (qui lui donnait des clichés en pâture et se servait de son statut de comédie pour flinguer à la chaîne les apôtres de la médiocrité), mais son insistance redondante sur l'usage de la violence (il annonce la mort de l'ex président Bush, de Taylor Swift...) finit par le rendre clairement puant et antipathique, en plus d'être ennuyeux et d'une facture technique toujours faiblarde (faible budget oblige). On se rappelle tous du doigt d'honneur que nous avait fait ce cabotin d'Uwe Boll à l'échec de sa campagne de crowdfunding pour financer son film, occasion nous est maintenant donnée de rendre la politesse.

Voracinéphile
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le 15 sept. 2016

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