Avant Pokemon et Digimon il y avait Rashomon !
Dans le Japon médiéval, dans une époque de grands troubles, Tajomaru décide de quitter sa famille pour devenir le plus grand dresseur de geishas sauvages de son époque en remportant le grand titre suprême lors d'un combat dans la boue se déroulant devant un jury muet. Un jour qu'il se balade en forêt, il tombe nez à nez avec une superbe femme accompagnée de son dresseur. Ni une ni deux (ni trois d'ailleurs), il envoie son rival les quatre fers en l'air et capture la jolie jeune femme pour la faire combattre. Malheureusement Tajomaru ne peut faire combattre sa proie fraîchement acquise car l'autre dresseur, ex propriétaire de la combattante, est retrouvé mort et tout porte à croire que Tajomaru en est le responsable. Or dans la compétition du plus grand des dresseurs, seules les combattantes ont le droit de (se) donner la mort et Tajomaru va devoir prouver son innocence en confrontant sa version des faits à celle de trois autres témoins. Un nouveau duel s'engage alors, celui d'Akira dire la vérité....
Voilà les grandes lignes de ce Rashomon. A peu près. Je vous mentirais si j'omettais de vous dire que certains éléments de mon résumé divergent un peu du scénario original d'Akira Kurosawa mais le tribunal muet et les quatre versions autour de la mort de l'homme accompagnant la jolie femme dont tombe amoureux Tajomaru sont authentiques. D'ailleurs en parlant d'authenticité, ce film de Kurosawa n'en manque pas lorsqu'il met les lumière certains bas instincts de l'Homme. Au-delà de la quête de la vérité à propos de l'homicide, les quatre versions de l'histoire sont l'occasion de s'attarder sur les vices de l'être humain qui ici sont mis à nue. Plus que brouiller les pistes pour démêler le vrai du faux dans cette affaire, Kurosawa montre que l'Homme/l'être humain est coupable de bien des choses. Le procès pour meurtre n'est qu'un prétexte pour tacler l'Homme pour ses actions dans la vie de tous les jours. Sauf que le réalisateur a choisir l'art de la réalisation pour asséner sa critique.
D'ailleurs parlons de la réalisation de ce film. Chose qui va m'être un poil difficile dans la mesure où je ne suis encore qu'un profane de Kurosawa puisque ses films visionnés se comptent (pour le moment) sur les doigts d'une main. Main amputée de quelques doigt...A l'instar de Dersou Ouzala, Kurosawa emploie la nature pour magnifier ses plans; eau, vent, lumière(/ombres) tendent à apporter aux séquences à la fois de la vie mais également une multitude de détails pour aguicher l'oeil et ce malgré (/grâce au ?) le noir et blanc. Hormis le tribunal qui offre des scènes de hors champ avec les juges, la porte Rashomon et la forêt sont les seuls environnements du film et pourtant grâce à un astucieux montage Akira Kurosawa ne nous montre jamais les mêmes plans. Des plans où les acteurs évoluent de manière irréprochable et tout particulièrement Toshiro Mifune qui campe un Tajomaru, cabotin et en roue libre, totalement magistral.
La bande son colle parfaitement à l'époque décrite et associée aux éléments abordés au dessus on obtient donc un film inspiré et maîtrisé de bout en bout. Enfin presque jusqu'au bout. Les ultimes minutes du film viennent contrebalancer la critique acerbe qui était jusqu'alors portée à l'être humain et honnêtement je trouve ça un poil dommage. Faut dire aussi que je visionne ce film en 2014 soit presque 60ans après sa parution et de ce fait les spectateurs modernes ont plus de recul donc je peux comprendre ce choix de nuancer le propos pour ne pas choquer les cinéphiles des années 50. Il se peut aussi que là je sois totalement entrain de divaguer en prêtant des intentions déplacées à Kurosawa et si c'est le cas je m'en excuse. Mais d'un coté après mon 1er paragraphe je ne suis plus à une ânerie près. A ce propos, ne voyez pas de sexisme ou de misogynie dans mon introduction/fiction, c'est juste que je cherchais quelque chose pour étayer ce titre honteux.