Ce film est d'une beauté hypnotisante. Au début, on s'accroche à l'histoire (en tout cas, c'est ce que j'ai fait). Que s'est-il vraiment passé entre ces personnages - le samouraï, la femme et le bandit - qui forment un triangle de désir et de mort ? Mais au fur et à mesure que les différents points de vue s'imposent, la réalité des faits s'efface devant une certaine vérité, assez désespérée, sur le genre humain : notre besoin d'inventer des histoires est à la mesure de notre égoïsme et de notre médiocrité.
Tout est magnifiquement filmé. La pluie qui s'abat sur les ruines, le soleil transperçant la forêt, des gouttes de sueur. C'est stylisé jusqu'à l'extrême sans être édulcoré (le viol, le combat), très théâtral, évidemment, mais sans être factice. La scène la plus magnifique est à mon sens le combat ultime, qui est le pendant du combat fantasmé du début. Les deux "lions" sont ici montrés dans toute la nudité de leur misère et de leur mesquinerie. L'imminence de la mort et le grotesque sont indissociables ; le silence, infini. Le contraste est d'autant plus saisissant avec la grandeur dostoïevskienne de la scène finale, quand le moine retrouve foi en l'humanité, en même temps que le témoin gagne une forme de rédemption. C'est beau, intelligent, universel. Inoubliable.