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Je pense être à contre-courant d'à peu près tout le monde sur ce film qui m'a beaucoup déçu, à en croire plusieurs critiques dithyrambiques. Au-delà d'être un blockbuster parfois divertissant mais très imparfait, je trouve que Ready Player One passe à côté de tout son potentiel.


J'ai lu souvent que le film rendait hommage à l'art du jeu vidéo. Pas à mon avis. Les règles du monde sont floues, évoluent souvent et engendrent de nombreux faux-raccords. Jumanji sorti quelques mois avant lui, faisait mieux dans le domaine avec un système plus explicatif mais plus simple et finalement plus créatif. Le système de monnaie du jeu fait référence aux microtransactions, qui sont parmi les grosses controverses actuelles dans le JV, et ce n'est jamais exploité, par exemple. L'absence de conséquences flagrantes et de limites clairement définies fait que je ne me suis jamais senti investi dans l'action. Quant à la quête des clés en elle-même, au début assez enchanteresse à la manière des tickets d'or de Charlie et la Chocolaterie, elle devient peu à peu irréaliste et je trouve que peu d'efforts ont été faits pour donner au spectateur l'envie de s'impliquer dans les énigmes - particulièrement le dernier indice, même pas partagé avec le public ! Dans l'ensemble, l'univers de l'Oasis en général a des problèmes de crédibilité.


L'Oasis peut être vue comme un prétexte pour parler de l'ère internet et de ses rencontres virtuelles. Et pour tout cet aspect de "ne pas savoir qui se cache derrière l'avatar", le film en fait un petit twist sympathique mais prévisible qui arrive bien trop tard, et surtout une révélation qui met à mal tout le propos derrière cette idée :


la révélation du vrai visage d'Art3mis, cette pauvre choupette et sa marque de naissance. Niveau prise de risque, on repassera.


Et d'ailleurs cela impacte aussi tout le développement des personnages, conçus autour de ces twists du "méfiez-vous des apparences" assez foireux. L'exposition du protagoniste annonçait du bon, très vite, la backstory du héros est gâchée et révèle un cruel manque d'émotion qui ne se dégage jamais du film, dont témoigne l'absence totale de conséquence d'un événement pourtant majeur dans la vie du héros vers le milieu du film.


Autre point où j'attendais le film au tournant après la - très bonne, je le répète - exposition : le contexte du film. Il y a d'abord tout un aspect "appel au soulèvement social" final qui aurait pu être le cadre d'une très belle thématique révolutionnaire, qui me fascine toujours dans les œuvres. Le héros fait même un signe de ralliement lors du point de bascule du dernier acte (qu'on peut voir sur la bannière), façon Hunger Games au rabais. Car là encore le film n'en fait rien, et nous sert même un deus-ex-machina assez cheap dans la résolution du conflit avec cette intervention de la police qui apparaît limite comme anachronique vu l'absence de développement du monde réel, et qui vient retirer la possibilité que les entreprises telles qu'IOI dirigent le monde, ce qui pouvait être assez sous-entendu.


Et justement, cet absence de profondeur dans la société dystopique est l'un des plus gros ratés à mon sens. On aurait pu avoir un propos extrêmement intéressant sur les crises humanitaires, les inégalités ou les corporates comme dirigeants du monde. Au lieu de ça, on a une morale "il n'y a que la réalité qui est réelle" (no shit sherlock - probablement une des pires répliques) prévenant des dangers de la VR à travers un happy-end final dégoûtant, que j'ai trouvé hors-propos, voire même extrêmement hypocrite envers les geeks et incohérent avec ses propres personnages (qui ne seraient rien sans l'Oasis), ou sa propre histoire qui prônait l'échappée à travers le monde virtuel par rapport à la vie misérable d'ailleurs. Sauf que vu que la vie misérable n'est jamais développée une seconde et que le film nous fait aussi voyager à travers l'Oasis par procuration, c'est quand même un comble de nous pondre une telle scène finale, comme si les scénaristes nous tapotaient gentiment sur l'épaule "allez on a bien titillé votre âme de geek pendant 2 heures mais oh, vous trouverez jamais l'amour si vous sortez pas les mardi et les jeudi hein, allez prendre un peu l'air en sortant de la salle !"...


Non, j'ai vraiment du mal avec cette fin. Une destruction de l'Oasis avant l'acte final aurait eu bien plus de sens et aurait donner plus de poids à la conclusion dans la réalité - quitte à le restaurer sous une autre version à la fin. Mais je ne prétends pas pouvoir mieux réécrire une histoire, je constate juste à quel point je suis frustré sur la morale actuelle sur lequel on nous laisse. Et je sais que c'est très personnel, je suis juste en désaccord avec ce que le film prône et j'aurais aimé qu'il insiste sur plein de points qu'il a préféré laisser en toile de fond. C'est un choix d'écriture/d'adaptation, ce n'est objectivement pas un défaut, ce n'est juste pas ce que j'étais venu chercher et ce que j'attendais après avoir vu le pitch du film et son premier acte.


Maintenant, ces idées ont manifestement plu à la plupart, qui n'ont sans doute rien à faire de tout ce que je viens de dire ou qui ne voient pas du tout les mêmes choses, qui en ont juste pris plein les mirettes, et tant mieux. Cela dit, même à le juger en tant que pur popcorn movie, j'ai aussi trouvé au film certains défauts plus, "objectifs" ou en tout cas propres à la forme du film. Déjà, même si le film est plutôt beau visuellement, il reste trop chargé en effets visuels à mon goût, et rejoint pour moi Valerian dans la catégorie des prouesses techniques sur le papier qui ne font pas assez respirer leurs visuels et leurs mondes. J'ai trouvé aussi pas mal de longueurs sur l'acte final de Ready Player One, peu inspiré et à qui les climax des Marvel et compagnie n'ont finalement pas grand-chose à envier. Cela dit, le film gère tout de même bien son rythme pendant les trois-quarts de sa durée. Plus problématique, les performances des acteurs et actrices sont quasiment toutes fausses lorsqu'ils ne prennent pas la forme de leurs avatars, et les antagonistes totalement non-crédibles. La menace étant souvent ridiculisée par le film à travers de l'humour qui ne marche quasiment jamais


(ce bout de papier scotché sur le fauteuil, sérieux...).


Les personnages secondaires sont globalement complètement artificiels et insérés avec grande difficulté dans l'histoire, une histoire qui passe de parcours initiatique du héros, à love-story façon "still-star crossed lovers" en finissant par un film de groupe de héros (les ridicules "High Five" - mais d'où sort cette idée ?). Après un Black Panther le mois dernier, qui s'armait du meilleur antagoniste du MCU à ce jour et d'un ensemble-cast extrêmement bien défini pour un blockbuster, la comparaison est pâle - et pourtant je suis loin d'être un gros fan du MCU.


Bref, je ne partage tout simplement pas ce que Ready Player One veut transmettre, j'étais parfois amusé mais suis resté totalement insensible tout du long, jusqu'à ressentir beaucoup de frustration sur ce potentiel gâché, ces personnages niais et cette morale agaçante. Il y a tellement de choses dans ce film, et autant de choses pas correctement exploitées à mes yeux...


De tout ce Ready Player One ne reste qu'un aspect que je n'ai pas encore abordé : le festival de popculture, plutôt bien géré à travers certaines séquences d'action très réfléchies. Premièrement : les deux premières épreuves, la course nous montrant les fondements d'une scène d'action, et la mise en abyme de Shining, qui est de loin la meilleure scène du film. Deuxièmement : ce personnage de James Halliday, fascinant, en haut de son empire, en qui on peut projeter un croisement entre Steve Jobs et Spielberg lui-même, qui semble indiquer une vraie présence de son auteur dans le film, et que j'aurais aimé plus voir. Tout le reste n'est que dégoulinant d'easter eggs parfois sympathiques. Après, je ne suis pas de la génération 80's, ni défenseur "c'était mieux avant", et du coup tout l'argument nostalgique du film m'a laissé indifférent - en plus de s'inscrire dans une mode qui commencer à me gaver, après les Stranger Things et autres Ça qui jouaient à fond la carte de la nostalgie un peu facile.


En bref, Ready Player One est pour moi un hybride entre un blockbuster et un film d'auteur, avec des problèmes liés aux deux : entre défauts d'écriture, cruel manque d'approfondissement de l'univers que j'aurais aimé plus découvrir, et vision d'auteur avec laquelle je suis en désaccord sur bien des points... Pris individuellement rien de tout ça n'est rédhibitoire mais quand un film te les fait traverser tour à tour, c'est quand même une épreuve super frustrante à passer, bien loin du divertissement promis à la base.

Galax
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le 3 avr. 2018

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