Alors, avant de commencer cette critique, je tiens à préciser que pour ce film ma note est purement subjective. J'ai beaucoup apprécié ce film, néanmoins il y a pas mal de critiques à faire dessus, j'y reviendrais.


Ce film était très très attendu avant sa sortie, ce qui fait qu'il a déçu pas mal de gens. C'est le problème quand on a des attentes, elles ne sont jamais satisfaites, et on est presque toujours un peu déçu. C'est pour cela que j'ai un beau jour décidé de ne plus en avoir, ça m'aide à garder un œil un objectif et dans le même temps ça me permet de lâcher prise pour apprécier ce que je vois au-delà de la qualité objective du film. Donc je n'avais pas d'attentes pour ce film. Je n'ai pas été déçue par rapport à ça, du coup. Cependant, avec tous les moyens mis en oeuvre pour nous teaser ce film comme s'il était le chef-d'oeuvre absolu que tout le monde attendait, forcément c'est difficile de ne pas avoir d'attentes.


Or, non, ce film n'est pas un chef-d'oeuvre, loin s'en faut. Il est bien réalisé, bien monté, appréciable, mais pas non plus de quoi se taper le cul parterre. En général les défauts vont avec les qualités, du coup je vous développe ça un peu en vrac, sinon ça forcerait à faire des aller-retours un peu chiants.


On va commencer par se pencher sur le scénario et la trame narrative. Le pitch: pour échapper à une réalité morne, les gens se réfugient dans une réalité virtuelle nommée l'Oasis. En soi, c'est une bonne idée de départ, qui fait assez justement échos au monde actuel où l'on passe au moins autant de temps sur internet que dans la réalité. Le sujet est intéressant si bien traité.
Et c'est là que ça pêche, c'est que partant d'une bonne idée, Spielberg tombe dans ses vieux travers, il fait un cinéma enfantin et moralisant sans jamais vraiment questionner le sujet, sans le chambouler et sans l'approfondir.


On part donc sur un vieux poncif manichéen du héros contre le gros méchant, le petit contre le grand, le pauvre contre le très riche. C'est d'une simplicité enfantine, qui ne développe au final pas de subtilités. On se retrouve en outre avec cette morale de "la réalité c'est mieux que le virtuel", à la fin, comme si c'était la grosse révélation du film. J'ai envie de dire... no shit. "Reality is the only thing that's real". Putain, merci de nous prévenir.


Autre souci de ce scénario - de sa trame narrative, plutôt, le héros l'emporte, forcément c'est entendu dès le départ -, avec une facilité déconcertante. Ce qui donne du piment à une bataille héros/méchant, c'est qu'à un moment il doit y perdre quelque chose, il doit tomber pour mieux se relever - or cela n'arrive pas vraiment pour notre héros puisque même si nous, on a le sentiment qu'il perds (cf la fin, lorsqu'on croit que c'est finit pour lui), en fait ça n'est jamais le cas.

Le seul moment où il se passe quelque chose de cet ordre c'est lorsque sa tante est tuée. Ca aurait pu être cet élément de chute, sauf qu'à aucun moment on ne m'a investi dans la relation entretenue par les personnages - et que très vite, on oublie l’événement puisque le héros lui-même semble s'en foutre royalement après deux minutes.
Honnêtement ça ne m'a pas émue, parce que ça n'a pas vraiment eu l'air d'ébranler notre héros. Il ne doute pas, il ne trébuche pas, or c'est les aléas qui sont sensés nous investir dans la quête du héros. Pensez à la raison pour laquelle The Empire Strikes Back est considéré comme le meilleur film de la saga Star Wars, alors que c'est précisément dans celui-ci que les héros échouent. C'est quand les héros tombent qu'on a viscéralement envie qu'ils remportent la bataille, et c'est aussi grace à cela qu'ils nous apparaissent intéressants. Les héros sont des êtres faillibles, donc humains, proches de nous, ça nous aide à nous voir en eux et à les soutenir. On ne s'investi pas dans un personnage parce qu'il est parfait mais justement parce qu'il est imparfait.
C'est tout le défaut de Parzival, il n'échoue pas, il n'est pas faillible. Toujours malin, toujours affûté, même lorsqu'il semble échouer comme dans ses nombreuses tentatives de gagner la course de la première épreuve, il n'échoue pas parce qu'il est assez malin pour s'en tirer sans un bleu, et même assez vif pour sauver sa douce.


En revanche, le personnage d'Art3mis est plus intéressant, même si dans le fond elle n'a pas vraiment d'enjeu mis en valeur. Elle aurait dû être le personnage principal, honnêtement, parce qu'elle est déjà plus faillible. Sauf qu'elle n'existe au final que pour être sauvée, ce qui la place dans le sempiternel cliché de la demoiselle en détresse, qui a besoin du héros pour être sauvée, qui soutient la cause du héros et non ses propres enjeux. C'est très dommage sachant qu'elle résout basiquement les trois quart des énigmes auxquelles sont confrontés les héros, elle a un potentiel qui n'est pas développé. C'est in fine dans ce personnage-là que je me suis le plus investi, même si son développement est réduit au minimum.


Quant aux trois autres héros, ils sont encore plus anecdotiques en tant que sidekicks, je ne sais même pas quoi dire d'eux puisque si on les enlève de l'histoire ça ne change rien. Leur seul intérêt c'est d'appuyer sur l'importance de l'amitié, concept auquel Spielberfg est très attaché si l'on fait un peu la synthèse de ses films. Ils n'ont pas d'autre but que de montrer que l'amitié, c'est important.
Sauf qu'ici aussi, il n'y a aucun aléa dans cette amitié qui pourrait m'investir dedans - je veux dire que je m'en cogne de leur amitié, elle n'a pas d'intérêt ni d'enjeu, ne souffre d'aucun développement ni de remise en question.


Les deux seuls plot twists de cette amitié c'est que Aech est une fille et que Sho à 11 ans. Pas terrible comme plot twist, et ça n'a aucun intérêt ni d'impact dans leurs relations, la seule chose que ça démontre - de même que la révélation de la "défiguration" de Art3mis (on veut nous faire croire que c'est un truc énorme mais encore une fois Spielberg se mouille pas trop, ça reste gentillet - d'où les guillemets), ou même le fait que Perzival se soit fait un avatar beau gosse alors qu'il correspond plus à l'image cliché qu'on se fait du geek - c'est que quand on utilise un avatar dans un monde virtuel, on ne se montre pas tel qu'on est. Mais autant dire qu'en 2018 (année de sortie du film), après presque deux bonnes décennies d'internet derrière nous, on est au courant, ça ne soulève aucune problématique d'intérêt pour nous. Franchement ça me rappelle mon adolescence quand mes parents me disaient "attention hein, tu sais pas qui c'est sur internet, c'est peut-être un vieux monsieur pervers", c'est une inquiétude qu'on a mis sous le tapis parce qu'aujourd'hui on sait faire la part des choses, on connait le topo depuis le temps. Faut en revenir, de ça, sérieusement.
Mais là où ça aurait pu poser une meilleurs problématique c'est si on avait mis l'accent sur les raisons qui font que nos héros se présentent sous leur meilleur jour et/ou sous une autre identité. Pour Art3mis, un souci d'insécurité qui n'est que survolé, un changement de sexe pour Aech qui ne dit rien des raisons de son choix (on aurait pu partir sur la question très intéressante et actuelle de l'identité de genre, ou bien sur une problématique tout aussi actuelle du sexisme dans le monde du jeu vidéo qui pousse beaucoup de joueuses à se travestir afin d'avoir la paix et des armures digne de ce nom dans les mmorpg), pour Perzival, un souci de popularité et d'image aussi, peut-être, pour Sho, il ne fait que lancer d'une petite phrase qu'il est une cible facile en tant qu'enfant, et que se présenter en adulte lui donne un sentiment de sécurité - ce qui donne matière à parler de bullying et d'agéisme.


Autant de bonnes problématiques qui ne sont jamais soulevées, c'est très dommage. Mais c'est tout le problème de Spielberg, il sait faire des films de divertissement qui posent des problématiques, que ça soit dans La Liste de Schindler, Jurassic Parc (parce qu'on y parle un peu quand même de féminisme et d'éthique scientifique), le Terminal, A.I, ou Minority Report - le problème c'est qu'il ne fait que survoler ces problématiques. Il fait du très bon divertissement, mais ça ne va guère plus loin. Probablement parce que son sujet phare et son public c'est l'enfant (y compris l'enfant intérieur qui sommeille en nous). Ca se ressentait particulièrement bien dans E.T ou Super8, on sent bien qu'on est pas le public visé (par "on" j'entends la personne critique, "adulte" au sens de "qui à un regard un peu plus sérieux et affûté"), c'est aussi le cas ici, paradoxalement puisqu'il vise un public de geeks qui pour la majorité ne sont pas des enfants.
Spielberg ne sait que (très bien) faire des histoires simples, aux morales simples, mais qui percutent d'une façon ou d'une autre. Ceci étant dit, ça n'est pas une excuse pour ne pas développer ses problématiques et complexifier un peu ses trames narratives / personnages / morales, et c'est ce qui m'a toujours dérangé chez ce réalisateur que par ailleurs j'apprécie beaucoup. C'est tout de même un très bon réalisateur - on ne se hisse pas ainsi dans le top 10 des favoris des cinéphiles quand on est mauvais. Sa popularité il la doit à sa maîtrise de la composition et au fait que ses films sont d'excellents divertissements, il sait faire de bons films, mais il sait moins bien écrire en profondeur des histoires et des personnages sans être "gentil" et moralisateur.
Encore qu'il faut bien noter que c'est une adaptation d'un livre - que je n'ai pas lu (je ne le connaissais d'ailleurs pas). Je ne sais pas si le livre souffre des même défauts, mais en tout cas connaissant Spielberg je pense que ses défauts d'écriture se révèlent dans ce film quoi qu'il en soit.


Et du coup, après tant de critiques, il va peut-être falloir que je justifie ma note de 8/10. Comme je le disais en préambule, ma note est subjective, parce qu'autant ce film est assez moyen par rapport au fond, reste que la forme est excellente et que je me suis pas ennuyée.
D'un point de vue objectif, techniquement le film est bon par son esthétique (même si certains designs d'avatars sont pas géniaux, le tout est esthétiquement plaisant), par ses cadrages, son montage, son rythme, sa composition et sa musique (Alan Silvestri ♥ - qu'on connait pour les BOs de Retour Vers le Futur, Abyss, Predator, la saga Avengers, entre autres). Le tout est maîtrisé (sans non plus être parfait - on va pas dire qu'il y ait trop de prises de risque dans les choix de composition), dynamique, et si les problématiques sont survolées, la trame narrative et les personnages non développées, reste que ça marche quand même parce que ça reste un ensemble cohérent avec peu de plot holes. On a un début, une fin, des enjeux, des rôles définis, agencés de façon correcte et lisible, c'est pour ça que ça fonctionne. Les défauts de ce film n'en font pas forcément un mauvais film mais plutôt un assez bon film (je suis gentille, parce que l'écriture elle-même est mauvaise, on va pas se mentir) qui est passé à ça d'être excellent.


Et subjectivement, ce qui m'a plu dans ce film, c'est l'univers qu'il développe, ceci mis en relief par l'amour inconditionnel que voue Spielberg pour la pop culture. Et c'est ça finalement le but du film, c'est un hommage à la culture geek à laquelle Spielberg lui-même contribue par ses films et dont il est issu. C'est un film de geek pour les geek fait par un geek. D'où le titre de ma critique: c'est du "geek" service.
J'ai adoré voir ensemble la De Lorean de Marty MacFly, la moto d'Akira, le Gundam ou le T-Rex de Jurassic Park, King Kong, les jeux Atari, Street Fighter, Tomb Raider, The Shining, etc... parce que ça joue sur la nostalgie, sur les souvenirs qu'on a de ces éléments, et ça nous renvoie au final à la raison pour laquelle on aime et on s'est imprégné de la pop culture.
Même l'affiche fait référence à Retour Vers le Futur, Tron (la position de Wade avec le point levé, le fond lumineux, et le sol qui rappelle la grid), et reprend une composition très commune qui évoquera certainement de nombreux films.
Et il n'y a pas que de la référence visuelle d'ailleurs, on notera que le thème de Retour Vers le Futur légèrement modifié peut être entendu vers le début du film - ce qui est amusant sachant que c'est justement Alan Silvestri qui compose la musique de ces deux films. J'ai pas fait gaffe à toutes les occurrences mais effectivement on retrouve des thèmes musicaux d'autres films, Wikipédia nous en note deux (en dehors de Retour Vers le Futur): un "thème de Max Steiner pour King Kong de 1933", "Looking For a Truck contient des éléments du Godzilla Main Title d'Akira Ifukube" - c'est dire si on est dans la subtilité en terme de références et d'easter eggs.
Je trouve ça par contre un peu ironique qu'il n'ait pas obtenu les droits pour faire un gros clin d’œil à Star Wars comme il l'aurait voulu - il est juste fait mention du Millennium Falcon, mais on ne le voit jamais, on voit un x-wing et la ceinture de Han Solo, et en dépit de l'absence d'accord on peut spotter R2-D2 en arrière-plan dans une scène de la fin - mais quelque part on peut interpréter les agents d'IOI un peu teubés et présentés comme tous identiques, qui se foirent à chaque fois - qui ratent leur coup - comme un clin d’œil aux stormtroopers. Ca me fait marrer de le voir comme ça, en tout cas.


En aparté - j'ai lu une critique où était reproché le fait que les personnages insistent à décrire ce qu'ils voient: "c'est la moto d'Akira", "c'est le Gundam", etc, mais faut se dire que tout le monde ne connait pas la référence et je trouve ça quand même sympa de chercher mine de rien à ne pas laisser de côté les gens qui ne l'ont pas, même si personnellement je n'avais absolument pas besoin qu'on me mette une légende sous ce que je voyait. Par ailleurs, il y a aussi une tétrachiée de références dans des détails, qui ne sont jamais explicitées, il y a pléthore de références à déterrer pour ceux qui ont l’œil, donc il y a de quoi satisfaire les gens qui préfèrent découvrir la référence eux-même en se félicitant de la connaitre (ce qui je l'avoue est mon cas). Par exemple, vous avez noté la référence au pacificateur de Judge Dredd? Personne ne dit "hey c'est le pacificateur de Judge Dredd" - donc bon, on va pas se plaindre parce que deux trois fois les personnages nous donnent la référence.
Et si vous avez la flemme de chercher les références, elles sont listées sur Wikipédia (je sais pas si elles y sont toutes).


Voilà, c'est que dans le fond ce film est une ode à la pop culture, un petit plaisir que s'est fait Spielberg. On sent qu'il a voulu nous faire partager son amour de cette culture et l'impact que ça a eu sur lui. Quelque part, le personnage de Halliday, c'est son avatar. Et quand on sait que Spielberg met des easter eggs dans ses films (et pas seulement rapport à George Lucas - genre dans Sauver le Soldat Ryan il a donné le nom de ses potes à certains personnages), et que la relation entre Halliday et Morrow peut représenter son amitié avec Lucas, tout ceci est cohérent. Ce film parle un peu de lui, en fait, tout en parlant un peu de nous en tant que geeks. Il parle de sa carrière, de ce qu'il laisse au monde de la pop culture, de ses créations. Il dédie ce film à ce monde-là parce qu'il n'existerai pas sans lui, et que la pop culture serait un peu moins riche sans Spielberg. Il doit beaucoup à la pop culture, et on doit beaucoup à Spielberg en tant que geeks.


C'est ce qui m'a touché dans ce film, en fait. Ca n'est pas un très bon film en soi mais il est appréciable parce que c'est du feel good movie. Je lui mets une bonne note parce que non seulement je ne peux pas nier ses qualités, mais surtout parce que ça m'a fait plaisir de le voir, tout simplement, parce que je suis une grosse geek qui aime les trucs de geek. C'est con mais de temps en temps il m'en faut pas plus.

Keagan_Ashleigh
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le 5 févr. 2019

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Keagan Ash

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