Coproduit et réalisé par Spielberg , cette adaptation du roman d’Ernest Cline nous plonge au sein de l’an 2045. Un futur mi-dystopique, mi- mirifique où pour fuir les sempiternelles crises sanitaires, économiques et climatiques d’un monde désolé, la plèbe se réfugie au sein d’un éden jeuvidéoludique très justement nommé Oasis. Une sorte d’Afterlife à l’échelle mondiale, où tout un chacun est désormais libre de renaitre dans la peau d’un avatar numérique et de mener une vie trépidante et fantasmée, totalement déconnectée du morne monde réel. Développé par le Steve Jobs du futur Halliday (non aucun rapport avec le regretté Johnny), cet univers virtuel, non content d’être devenu un échappatoire mondiale, est bien entendu le théâtre d’une véritable guerre économique où citoyens et entreprises malintentionnées luttent avec acharnement pour mettre la main sur le fameux easter egg. Un trésor laissé par le défunt concepteur qui octroierait au petit veinard le découvrant le contrôle total du paradis virtuel. Petit hic, l’acquisition de l’œuf n’est possible qu’en menant à terme trois épreuves titanesques libérant chacune une clé.
Wade, notre jeune héros, (bien entendu un ado blanc, orphelin, mal dans sa peau mais moralement irréprochable et courageux), s’identifiant au génial inventeur se verra octroyé la sacrosainte mission de découvrir l’easter egg pour éviter qu’il ne tombe entre les mauvaises mains d’un PDG véreux à la tête d’une obscure corporation capitaliste malintentionnée. Il sera bien sur aidé dans sa quête par des siderkicks d’origines variées et une love interest surper badass et canon.


Devant un pitch aussi original et ô combien accrocheur, il était fort à parier que l’intérêt résiderait non pas dans son scénario et ses personnages mais davantage dans l’univers virtuel offert au spectateur ainsi que les regards critiques qui en découlent. Malheureusement, ce rapport au réel est dès la première demi-heure sabotée par une morale infantile, une écriture naïve accumulant les poncifs et une mise en scène finalement très convenue. Le manque de contextualisation et l’absence de développement d’autres personnages que les 5 lascars face à l’impact de ce monde virtuel, nuisent également à la crédibilité de l’univers mise en place.


Première chose qui frappe, apparemment Street Fighter, Overwatch, Mortal Kombat, Batman Arkham et Halo sont toujours aussi populaires en 2045. Pas très crédible et là réside l’un des problèmes majeurs du film, il a beau fourmiller de références, rarement ces dernières servent réellement le propos du film. Il est à noter que l’intégralité des citoyens, de la ménagère de 50 balais du PDG véreux, est fana des jeuvidéos et de la pop culture au point de systématiquement choisir un avatar jeuvidéoludique. Même les avatars s’écartant des figures propres aux jeuvidéos référencés semblent tout droit sorti d’un mauvais final Fantasy, à commencer par le héros et son love interest. Certes, cet oasis est issu de l’esprit d’un geek mal à l’aise dans le monde réel mais il est assez farfelu de mettre en scène un monde ou tout un chacun rêve de devenir Harley Queen. Le public visé n’est donc finalement pas le spectateur lambda mais le geek classique. A ce titre, le film balance tellement de référence à la minute qu’il faudrait faire un arrêt sur image pour reconnaitre l’intégralité des personnages référencés, sans parler des nombreuses références cinématographiques et musicales. Mais là encore, cet amas de références en 3D jetés à la rétine du spectateur n’est réellement là que pour flatter l’égo du geek lambda et non pas pour enrichir le récit (à l’exception des trois épreuves). Il est même assez triste de voir certains mythes du cinéma tels que King Kong et Shining être déconstruit et remodelés en jeuvidéo dépourvus d’âmes.


Il est également difficile de prendre au sérieux le monde mi-distopique qui nous est offert, tant il s’avère peu développé au niveau du réel. A commencer par cette entreprise véreuse qui apparemment est en capacité de réduire les personnes endettées en esclavages pour les envoyer dans des camps de travails numériques ou d’envoyer des drones de combats détruire des ghettos en toute impunité. Dans ce cadre, la chère Artemis nous est présenté comme une figure de proue de rébellion mais contre quoi se rebelle-t-elle exactement ? L’entreprise véreuse ne domine pourtant pas le monde et ne devrait pas être à l’abri des poursuites judiciaires. Comment se fait-il que dans un monde, visiblement toujours démocratique, une entreprise puisse interner des personnes endettés dans des camps de travails, jusqu’à ce que parfois mort s’ensuive dans le cas du père d’Artemis, sans jamais que le gouvernement ou la police n’interviennent ? Ces derniers sont d’ailleurs totalement absents du film, sauf lors des cinq dernières minutes


dans une scène presque hilarante où la police débarque pour arrêter le vilain PDG qui a décidé d’agresser les gosses avec un flingue, c’est dire le niveau de crédibilité.


Cette rébellion n’est d’ailleurs pas le moins du monde développée tout comme les relations au sein du monde réel.


La tante et unique famille du héros, par exemple, meurt dans une sorte d’indifférence presque cynique


. Le film ne se fatigue pas non plus à nous expliquer comment des ressources sont produites alors que l’entièreté de la population mondiale passe sa vie dans le serveur.
Le film aurait pourtant pu porter un regard plus mature et sombre dans l’abandon du réel, notamment l’indifférence avec laquelle les gens meurent dans le monde réel sans que personne ne le remarque où l’illusion malsaine qu’entraine cette fascination du virtuelle. Le meilleur ami du héros souligne par exemple qu’Artemis sur qui il flash pourrait très bien un escroc, une fille hideuse ou un même un mec soulignant au passage la fausseté et la malhonnête de ces relations tronquées. Dans le même ordre d’idée, Artemis reproche à Wade de ne ni réellement l’aimer, ni la connaitre mais de n’aimer qu’un avatar fantasmé d’elle, de n’aimer que ce qu’elle lui permet de voir d’elle et de ce qu’il veut voir en elle. Le film aurait pu prendre le parti de travailler sur ces perceptions et ces relations illusoires tout en soulignant la rupture vis-à-vis de monde réel mais jamais cette adaptation ne montre la moindre audace. Au final,


Artemis est bel et bien dans le monde réel, un joli brin de fille rebelle avec qui il accroche immédiatement, ces amis samouraïs sont bel et bien des asiatiques geek accros aux samurais.


Il n’y a aucune véritable rupture et désillusion. Les travers de ce monde ne sont jamais réellement développés. Ne nous est finalement offert qu’une intrigue convenue et prévisible de bout en bout, servie par une romance caricaturale et sans âme, une morale bon enfant et l’inévitable happy end dégoulinant de bons sentiments. Même le traitement de la lutte des classes au sein de ce monde s’avère manichéen.
Le film est également bien trop long pour ce qu’il cherche à raconter et ne trouve jamais son rythme notamment entre les passages entre le monde réel et l’Oasis et se permet même des facilités scénaristiques d’un ridicul assourdissant (qui n’a pas ris quand on voit la facilité avec laquelle Artemis se balade dans les bureaux du PDG visiblement dénués de gardes et de caméras ?).


Sur le plan technique, il n’y a pourtant pas grand-chose à reprocher au film. La partie en image de synthèses (via une performance capture) demeure fluide et presque hypnotique notamment dans la séance de la boite de nuit qui est probablement la meilleure scène du film. Le film fourmille de nombreux plans magnifiques et bénéficie d’une direction artistique de qualité, une photographie magnifique, des décors emplit de détails. Seulement voilà, pour le reste Spielberg se contente d’étaler sa culture, allant jusqu'à reprendre les schéma-types des films pour public jeune des années 80, mais sans jamais donner une quelconque ampleur à son film.

The-Goblin
4
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le 5 avr. 2018

Critique lue 402 fois

5 j'aime

The-Goblin

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