Réalité est un film sacrément frustrant. Et je dirais même, énervant. Car les deux premiers tiers sont franchement enthousiasmants, et le dernier tiers, très décevant.
Pendant plus d’une heure, je suis totalement conquis. Fidèle à ses habitudes, Quentin Dupieux pratique l’absurde. Il est doué, le bougre : je ris à pleines dents. Tout allait si bien !
Le réalisateur est bien aidé par la prestation des acteurs, avec une mention spéciale personnelle pour Jonathan Lambert que je trouve particulièrement bluffant dans son rôle de psychopathe maniaque. Bien sûr, Alain Chabat est séduisant également ; grand fan des Nuls et de son talent comique, je ne suis guère étonné de la qualité de son rôle dans cet univers mêlant habilement le drôle et l’absurde. On pourrait même se demander si le personnage n’a pas été taillé sur mesure pour lui.
Et puis vient un moment, dans l’intrigue, où ça part littéralement... en cacahuètes. Disons, au bout de 50-55 minutes de visionnage. Un virage à la fois aigu et inattendu est pris. Et là je me demande... mais pourquoi ? Voilà que le scénario devient compliqué, je me perds, ça ne m’intéresse plus. Je voulais tellement connaître la suite de ce qui se développait, nom d’un chien !
L’absurde est toujours omniprésent, évidemment : mais ce n’est plus du tout le même. Je ne me laisse pas leurrer par les effets de manche : il n’est plus aussi intelligent, il n’est plus maîtrisé ; je ressens cruellement la paresse intellectuelle. Elle est tangible sous les airs trompeurs d’un scénario devenu inutilement compliqué. On en vient à se demander si le réalisateur sait où il va, et même, s’il savait où il allait ; si c’est le cas, peu importe, je ne suis déjà plus sur son bateau qui commence à prendre l’eau. Chez moi, ça ne passe pas.
J’en viens à lui en vouloir : pourquoi avoir gâché un film qui démarrait si bien, avec un tel potentiel ?
De la paresse à la prétention, il n’y a qu’un petit pas à franchir, quand on est talentueux. Comme l’est Quentin Dupieux. À mon sens, la simplicité intelligente vaut au moins mille fois la complexité inutile.
Je retiens évidemment les deux premiers tiers de l’œuvre qui m’ont complètement séduit. Car il s’agit bien d’un réalisateur doué et singulier, je le vois et je le sais. Mais quel gâchis ici... je lui en veux.
Il s’en est pourtant fallu de peu pour que ce soit un très bon film. Mince alors, c’en est d’autant plus agaçant.