Reality
6.5
Reality

Film de Tina Satter (2022)

1h23, c’est le temps que dure le métrage de Tina Satter, avec titre à double-sens puisque le personnage principal, Reality Winner, a été condamné à sept ans de prison pour avoir livré à la presse une article secret-défense autour de la fameuse interférence russe dans les élections de 2017. Il s’agit en tout points d’un film sur la vérité, puisque l’ossature du scénarion en est réduite à son minimum : les dialogues sont directement basés sur les enregistrements du FBI le jour de la perquisition et de l’arrestation du personnage – qu’on voit parfois apparaître à l’écran. Vérité qui se dessine donc à mesure que défilent les scènes, comme un point de fuite, vers un dénouement attendu – mais qui n’en demeure pas moins émouvant.


La mise-en-scène est lacérante, et le film a tendance à se muer en un thriller tendu. Un budget visiblement réduit pour une histoire essentielle dont l’action se déroule dans un espace clos – une espèce de pièce miteuse, vide, à l’éclairage blafard, pas même une chaise pour s’asseoir : il ne reste là qu’un trio d’acteur avec à sa tête une Syndey Sweeney assez remarquable. Elle tient le film. Je suis davantage fascinée à mesure que je la découvre au cinéma, avec sa « resting bitch face » (cité du film) que viennent parfois craqueler de vives fulgurances émotionnelles (ses yeux…). Un rôle qui lui sied donc puisqu’il s’agit ici d’escamoter la vérité le plus longtemps possible dans ce qui finit par être un interrogatoire complètement lunaire dont tout le monde (personnages comme spectateurs) connaît l’issue d’avance.


Drôle de technique qu’emploie la réalisatrice d’ailleurs puisqu’elle choisit de faire sauter le son et d’effacer les personnages de l’image au moment où ils mentionnent les informations leakés; rendant le rapport à l’image inquiétant (uncanny) et troublant: quelle reality s’effiloche-t-elle devant nous ? Vers quelle conclusion tendons-nous ? Les plans serrés et gros plans sur le visage de Sydney Sweeney, les contre-champs inévitables (comme deux réalités qui ne se rencontreraient jamais) et les effets musicaux tendus, lancinants viennent faire de ce film modeste un vrai tout de force. Ou comment une jeune femme de 25 ans, qui n’en pouvait plus d’écouter Fox News débiter des conneries au travail, a fini par devenir une whistleblower.

Lehane
7
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Créée

le 7 févr. 2024

Critique lue 8 fois

Lehane

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