Rebelle
6.3
Rebelle

Long-métrage d'animation de Mark Andrews, Brenda Chapman et Steve Purcell (2012)

Pixar n’avait pas le choix, Rebelle (Brave, en VO) devait être un chef-d’oeuvre, sous peine de confirmer une baisse de régime assez conséquente. Le teaser ainsi que la bande-annonce japonaise étaient tellement excitants qu’on fermait les yeux sur les énormes soucis de production du premier long-métrage de Mark Andrews (entre autres scénariste sur John Carter et réalisateur du court One Man Band). À l’origine dirigé par Brenda Chapman (Le Prince d’Egypte), Rebelle devait être une fresque féministe, sombre et épique avant que John Lasseter et toute sa clique ne viennent aseptiser le tout afin de rassurer les têtes pensantes de la branche marketing de Disney. On n’avait pas l’habitude de voir Pixar se plier aux lois du marché, mais force est de constater qu’après un Cars 2 qui souffrait de sa trop grande générosité, le studio à la lampe bondissante nous sort une sorte de patchwork fort peu original de Raiponce et de Frères des Ours. Chapman, partie récemment chez Lucasfilm, a peut-être eu raison de lâcher le morceau.

Attention, Raiponce est un bon film et il y a de bons restes dans Rebelle, mais la déception n’en est pas moins de taille. Entre son bestiaire beaucoup trop mince, son humour parfois proche de l’esprit DreamWorks et son espace de jeu bien trop restreint pour que vienne poindre un véritable souffle épique, le film de Mark Andrews se construit difficilement. Certes visuellement époustouflant, Brave n’enthousiasme véritablement qu’à de rares occasions.

Le début du film est on ne peut plus encourageant. Réellement épique, ample et émouvant, il annonce le portrait d’une jeune femme forte mais séduisante et l’étude complexe et passionnante des relations mères-filles. Les plans larges sont édifiants, le score de Patrick Doyle est un régal, on a la larme à l’œil devant le génie de certaines séquences… Et puis un malencontreux retournement de situation vient métamorphoser le récit. Le personnage jusque là incroyablement riche de la mère devient un pur side-kick à vocation humoristique, notre héroïne ne cesse de faire des allers-retours entre la forêt et le château, les personnages secondaires s’avèrent être de vrais faire-valoirs qui disparaissent puis réapparaissent sans qu’on ne se soucie d’eux ne serais-ce qu’un instant… Et ne parlons pas de la mythologie que tente vainement de construire Andrews autour de ses protagonistes. Comme si après un focus de seulement cinq minutes sur l’Ecosse ancestrale, le réalisateur pouvait persuader quiconque que son univers existe bel et bien et que le grand méchant de son long-métrage est là pour autre chose que pour apporter le minimum d’action nécessaire à tout bon blockbuster qui se respecte !

C’est bien dommage car on perçoit en Rebelle un film potentiellement passionnant. L’idée d’opposer les hommes aux ours est intelligemment traitée. Le père de Merida, le roi Fergus, toujours à la recherche de l’ours qui lui a tranché la jambe, est ainsi opposé à ce qu’il est lui-même vraiment, un animal. À sans cesse s’évertuer à vouloir détruire la bête, il n’en est que plus la métaphore de l’Humain qui dissimule sa part animale sous les préceptes sociétaux qu’il s’est construit en leurre. On ne s’y trompera pas, Fergus est un ours qui mange comme un porc et aime se battre, le fragile édifice de la vie en société risquant de se rompre à n’importe quel moment. Voir la reine Elinor se transformer en ours n’a alors rien de surprenant… Elle qui jusque là apprenait à Merida tous les usages de la vie de princesse et le savoir-vivre se métamorphose en la créature qu’elle refuse catégoriquement d’être. Elinor est l’hyperbole qui permet de comprendre le personnage de Fergus, et donc l’être humain en général.

À vrai dire, Rebelle n’est pas un mauvais film. Il est même du niveau de Raiponce. Seulement voilà, on attendait pas grand chose de ce dernier alors qu’on espérait monts et merveilles du Pixar. Des qualités éparses mal agencées, un cruel manque d’ampleur (le combat final, bien que très court, est cela dit assez puissant), un humour qui ne fait presque jamais mouche… Un portrait de femme premièrement réjouissant puis ensuite assez triste (Merida ne restera pas rebelle bien longtemps) dans lequel on ressent le moindre des problèmes qu’à pu rencontrer le film au cours de sa production. À titre de comparaison, Ratatouille était devenu le chef-d’oeuvre qu’il est après de multiples mésaventures au cours de sa préparation. On attend désormais de Pixar un sursaut de créativité qui pourrait redorer le blason d’un studio à l’image jusqu’à récemment luxueuse. Rebelle n’est qu’un bon film. The Good Dinosaur et le projet Cerveau seront peut-être des chocs cinéphiliques aussi énormes que Wall-E et Les Indestructibles. Du moins, on veut bien y croire.

Créée

le 12 août 2012

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