Red Army retrace l’extraordinaire histoire de l’équipe de hockey sur glace soviétique qui domina les patinoires pendant plusieurs décennies. Mais ce qui fait la singularité de cette histoire, c’est qu’elle dépasse la dimension sportive car elle fut le creuset d’un affrontement idéologique durant la guerre froide entre les américains et les soviétiques.
En utilisant de nombreuses images d’archives (notamment de savoureuses affiches de propagande) et un montage assez nerveux - surtout dans sa première partie - le réalisateur Gabe Polsky parvient à retranscrire cette dimension idéologique et l’utilisation - ou plutôt la récupération - de ce sport par les deux superpuissances. “Cette victoire montre que notre mode de vie est le bon” répond d’ailleurs au téléphone l'entraîneur américain Herb Brooks à Jimmy Carter qui le félicitait pour l’incroyable victoire des USA face à l’URSS lors des Jeux Olympiques de 1980 à Lake Placid. Il est vrai que ce miracle reste quasiment la seule victoire de l’occident sur la redoutable machine soviétique façonnée par Anatoli Tarassov mais dirigée par Viktor Tikhonov et ses méthodes tyranniques pendant 15 ans de 1977 à 1992. Passé cet échec des JO de 1980, le style virevoltant des joueurs de l’URSS porté par ses 5 joueurs majeurs - Viatcheslav Fetissov en tête mais aussi Vladimir Kroutov, Igor Larionov, Sergueï Makarov et Aleksei Kassatonov - a tout balayé sur son passage lors des années 80. Le documentaire montre que l'incroyable réussite soviétique est avant tout le fruit d’une mécanique implacable avec une détection précoce des jeunes talents et des joueurs qui suivent un entraînement ultra intensif en vivant en vase clos pendant 11 mois pour servir l’idéologie soviétique. Red Army donne la parole à quelques uns de ces joueurs emblématiques qui témoignent des conditions d'entraînement de l’époque mais le témoin clé reste Fetissov dit Slava qui intervient tout au long du documentaire.
Forcément, fort de ce niveau de jeu, les joueurs soviétiques allaient très vite être courtisés par les franchises de NHL mais Moscou se montrera longtemps réticent à laissé filer ses pépites. Les premiers joueurs qui tentèrent l’aventure ne trouvèrent pas l'eldorado escompté et durent faire face à de nombreuses désillusions dans un environnement qui leur était encore largement hostile et un style nord-américain plutôt adepte du coup d'épaule et de la castagne et finalement assez éloigné du jeu de passes virevoltant qui avait fait la réputation du style soviétique.
Dans ce nouveau contexte, l’histoire de Slava est là encore singulière puisqu’après un long bras de fer avec le régime soviétique il parviendra enfin à rejoindre la NHL et malgré des débuts difficiles avec les Devils du New Jersey il finira par s’épanouir pleinement avec les Red Wings de Detroit et s’offrir la prestigieuse coupe Stanley. Une coupe qu’il parviendra à ramener à Moscou, des images inconcevables encore quelques années auparavant. Ultime preuve d’un monde qui a bien changé et Red Army se distingue par cette capacité à nous parler de sport de manière intelligente en le contextualisant dans un monde en mutation.
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