Les superlatifs c'est comme les trous du cul, tout le monde en a un

J'aime bien comparer les micro critiques de la presse sur les affiches de promo après avoir vu le film en question. 

"Sensationnel" de Vanity Fair, oui on peut le dire. Un souffle certain traverse une grande partie du film de Sean Baker (Tangerine, The florida project). On ne sait pas où ça va, et c'est très vivant, on éprouve un truc quoi.

"Drôle, beau" de Konbini, drôle oui surtout la première partie, beau c'est à débattre, je vous épargne l'éternel débat niveau classe première la beauté subjective des choses. En l'occurrence on peut pas dire que le film soit si esthétique que ça, à moins de surévaluer les 3 plans sur les infrastructures des raffineries texanes (on est pas devant There will be blood non plus).

"Prodigieux" du Monde, non, il faut garder une certaines mesure, je sais bien que ça fait un choc avec les sorties de 2021 type garçon chiffon, avenger 6 ou les merdes pluriannuelles de Dupieux, mais à l'échelle de l'histoire cinéma c'est un poil exagéré. Du moins ça aurait pu l'être avec un montage plus serré et une fin digne de ce nom, on aurait presque eu l'impression de voir un Jeff Nichols du début, un safidie de la brousse sans bande son agressive ou un PT Anderson en récréation.

"Une pépite" des Inrocks. Ca me fait mal mais je suis déjà plus d'accord, car même le cinéma indé US a tendance à proposer des films de plus en plus misérabilistes, stéréotypés et inoffensifs. Et Sean Baker a pris des risques avec ses personnages et son propos. C'est pas "affreux sales et méchants" mais il a le mérite de ne pas faire un film démago qui barde la classe ouvrière d'un courage sans égal et d'une pureté immaculée (malgré les deux petites références à Trump assez amusantes). On est chez les crados, ça fume, ça deale, ça essaye d'arnaquer son voisin, ça veut pervertir une gamine pour s'enrichir sur son dos etc... C'est même étonnant que le film sorte en 2021 et obtienne une telle presse. Rex est un anti héros à la fois sympathique et insupportable, mais 100% toxique.

"Un rythme inouï" du Figaro. Alors NON clairement, c'est précisément là que ça péche. Si les longueurs ne sont pas gênantes dans la mise en place du film, car cela permet de caractériser tout le monde et de définir l'environnement, dans la seconde (et troisième ? le film dure 2h08), la longueur excessive de certaines scènes émousse le rythme, et j'attendais vraiment une bascule, un truc qui fasse dérailler tout ce que le personnage a tenté de construire depuis le début, et cette rupture intervient bien mais de la plus petite des manières.

"Flamboyant" de Première. Simon Rex qui incarne Mickey l'est assurément.  Ancien acteur porno pour de vrai, il est excellent en grande gueule redneck qui revient - la queue entre les jambes si j'ose dire - d'une désastreuse odyssée libertino-commerciale à Hollywood. Ça m'a évoqué un peu l'histoire de Kenny Power dans le culte Eastbound and down. Bref ce Rex, sosie du journaliste un peu con Stefan Etcheverry, est vraiment excellent, il plonge tous les spectateurs dans le film par la force de premières scènes ébouriffantes. Quand il arrive couvert de bleus, et cherche à squatter le divan de son ex, on a tout compris au type. Mentions également pour les autres acteurs tous au diapason, Bree Elrod (Lexi), la troublante Suzanna Son (Strawberry) et même Lonnie le voisin à côté de ses pompes.

"Sidérant" du Figaro (encore ?! j'ai l'impression que Télérama n'a pas aimé, bon point pour le film) : Définition Larousse "adj : qui étonne énormément. J'irai pas jusque là, étant donné qu'il n'y a pas tant de surprises que cela dans le scénario.

Mikey est un connard qui a usé sa femme, et il va user évidemment cette lolita de la boite à donuts de la même façon. La surprise vient de petites idées, comme le carambolage par exemple.

"Frais et pop", là c'est le pompon, le tâcheron ou la tacheronne de Paris Match qui a écrit ça n'a pas vu le film et s'est contenté d'imaginer à quoi ressemblait le film à l'aune des autres superlatifs précédents. A quel moment la virée d'un acteur porno déchu qui deale dans sa ville natale ravagée par la pauvreté et qui tente d'entraîner une adolescente paumée dans une industrie sordide est "fraîche et pop" ?! La personne qui atterrit dans la salle en croyant voir un feelgood movie sur cette recommandation va être déçue car c'est pas exactement ça. Je précise que n'aime pas les feelgood movies, et que cette accroche m'a justement dissuadé de voir le film à sa sortie (une idée contreproductive du coup). C'est ni un drame social austère à la Ken Loach, ni une comédie légère à la Apatow.

Red Rocket est juste une très bonne surprise qui avait les moyens de devenir plus que ça. Et c'est déjà beaucoup, alors ne boudons pas notre plaisir. Car il ne faut pas perdre de vue que toujours plus de films de Quentin Dupieux et des frères Dardenne arrivent sur les écrans....

Negreanu
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2022

Créée

le 29 oct. 2022

Critique lue 78 fois

3 j'aime

2 commentaires

Negreanu

Écrit par

Critique lue 78 fois

3
2

D'autres avis sur Red Rocket

Red Rocket
Sergent_Pepper
7

Porn to be alive

Après The Florida Project qui suivait le quotidien d’enfants défavorisés dans les environs de Disneyland, Sean Baker poursuit l’exploration de l’Amérique décatie en s’intéressant à une industrie tout...

le 2 févr. 2022

50 j'aime

3

Red Rocket
JorikVesperhaven
5

Interminable pour un film sans scénario, Baker déçoit si ce n'est le contexte bien vu avec cet opus

C’est le troisième film d’un auteur prometteur et original. Un auteur qu’on aimait beaucoup. En effet, Sean Baker est à l’origine de la petite bombe shootée à l’IPhone, « Tangerine ». Un premier film...

le 3 févr. 2022

10 j'aime

2

Red Rocket
Multipla_Zürn
8

Critique de Red Rocket par Multipla_Zürn

A un moment du film, une jeune fille qui se destine à faire carrière dans le porno suite à sa rencontre avec un homme plus âgé qu'elle (et qui l'incite à se professionnaliser), se met à jouer du...

le 15 févr. 2022

7 j'aime

2

Du même critique

The White Lotus
Negreanu
7

The tanned

Saison 1 :Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées,...

le 14 déc. 2022

36 j'aime

3

The Outsider
Negreanu
4

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

le 10 mars 2020

29 j'aime

6

Mort à 2020
Negreanu
2

Death to "Death to 2020".

Charlie Brooker n'y est plus. Les deux dernières saisons de Black Mirror le laissaient présager, mais son faux docu sur 2020 pour Netflix est le plus souvent consternant et confirme la mauvaise passe...

le 6 janv. 2021

25 j'aime

10