"Reptilicus est une tentative de la nature de relier les dinosaures reptiliens aux mammifères..."

Enorme nanar, apothéose de mes goûts torturés, Reptilicus s’annonce direct comme un pur plaisir coupable qui remporte immédiatement l’adhésion de son public par ses fautes de goût monumentales. Rien que le début est à tomber : un ingénieur, retirant le forais, voit sa main recouverte d’un épais liquide rouge. Et là, il hurle : « It’s blood ! » Apparition du titre en rouge dégoulinant : Reptilicus. Miam ! Et ça ne s’arrête pas dans le cortège de nanardise ! Passé de longs tunnels de dialogues qui font traîner les évènements, l’ONU file à Copenhague du pognon et le meilleur scientifique du monde pour étudier la bête. Son premier jugement est sans ambiguité : tenant un bout d’os fossilisé sous une loupe, il l’observe pendant quelques secondes de musique dramatique, avant de déclarer d’un sérieux papal : « I’ve never seen this kind of bones before ! » (« je n’ai jamais vu ce type d’os auparavant »). Merci mon gars ! Et c’est parti pour le grand n’importe quoi ! A la suite d’une fausse manipulation, l’échantillon de dinosaure prélevé pourrit, alors qu’en fait, il est en train de se régénérer. Qu’à cela ne tienne, l’ONU débloque de nouveaux fonds pour cette fois ci reconstituer la bête dans un caisson régénérant. Une explication scientifique vaseuse pour justifier cette aberration, quelques coupures de presses pour donner une dimension internationale à cet évènement capital (le titre paru dans Le Parisien libéré est « Reptilicus est régénérateur ! », ce qui ne veut rien dire et montre que même les français ne savent pas parler leur langue), et voilà que les effets spéciaux commencent à prendre de l’ampleur. Le comique aussi vient à la charge par l’intermédiaire d’un assistant de laboratoire particulièrement empoté, qui cabotine comme un sagouin devant des anguilles électriques, avant de déclencher des alarmes parce qu’il a peur (d’ailleurs, nouveau détail nanar : les alarmes retentissent, les militaires lèvent les yeux, se regardent, disent « Something is happening ! » et vont voir ce qu’il se passe : comment essayer de faire croire à une tension…). Puis le monstre grandit et s’échappe, ne laissant pour restes d’un scientifique surveillant que ses lunettes cassées. L’armée américaine et danoise se mobilise tout entière pour détruire le monstre, devenue la nouvelle menace imminente. En effet, rien que la nuit de son évasion, le monstre a attaqué plusieurs fermes et mangé sans remords plusieurs vaches ! Conscient de la menace, le scientifique et le chef de forage (un blond qui ne sert strictement à rien dans l’histoire, mais comme il est jeune et blond, on le tolère) prêtent main forte à l’état major pour neutraliser l’animal. Mais voilà, ce dernier est gigantesque ! Sa première apparition, véritable moment de terreur, est un régal pour tout nanardeur qui se respecte ! Alignant des stock shots de la seconde guerre mondiale à la chaîne et des plans filmés dans des maquettes ultra approximatives (un buisson en mousse duquel jaillit notre dinosaure, une sorte de dragon chinois qui pousse des beuglements tonitruants), la confusion qui s’empare des soldats s’empare de nous aussi. D’autant plus que toute leur artillerie semble impuissante pour arrêter le monstre. Ce dernier disparaît dans la mer. Qu’à cela ne tienne, on va augmenter la puissance de feu ! Des stock shots de marine en plein grenadage entrecoupé par la figurine de Reptilicus dans un aquarium harcelé par des pétards, on n’y voit que du feu. Cependant le scientifique commence à paniquer, et courre très vite pour aller informer l’état major d’un fait important. Mais il tarde un peu à cause d’un point de côté. En effet, il ne faut pas exploser le monstre, car chaque partie de son corps a la capacité de se régénérer. Mais maintenant qu’il est réveillé, Reptilicus prend la direction de la ville. Et là, le film commence à brûler son budget. Alignant scènes de paniques colossales où la moitié des figurants trottent comme au marathon ou se bidonnent comme pas permis, les scènes de destruction où Recptilicus, le dragon chinois, détruit des maquettes grossièrement peintes à la gouache, et les réactions de l’état major complètement impuissant, mais haussant beaucoup les sourcils devant cette menace ingérable, le film prend des allures de fin du monde inexorable. Jusqu’à ce que le gros scientifique de l’ONU parvienne à imposer ses vues au général de service (j’aime quand d’un coup, le quota est rempli et que les cons acceptent le bon plan). Reptilicus a au passage tué la moitié de la population avec le slime vert qu’il crache pendant des séquences spéciales bluffantes. On décide de créer une drogue pour endormir l’animal. Et là, les assistantes de laboratoire y vont franco, et font de la chimie comme une sauce aux marrons : elles prennent tous les produits qu’il y a sur la table et les mélangent. La mixture est placée dans un projectile de bazooka, et allons y ! Ça c’est un plan infaillible ! Et dans le final, tout est là : le suicide inutile, le doute quand le plan commence, et le happy end contrebalancé par le rebondissement nanar de rigueur (la papatte vengeresse). Malgré ses écrasantes longueurs (20 minutes complètes de remplissage montrant les principales attractions touristiques de Copenhague), Reptilicus est un joyau qui se consomme sans modération, la générosité des effets spéciaux amateurs remplissant parfaitement leur taf.

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le 26 mai 2014

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Voracinéphile

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