Les opiacés sont un rêve éveillé, Requiem For A Dream n'en est qu'une pâle vision.
Loin d'être mauvais pour tout ce qui a déjà été évoqué et ce qui lui vaut une note aussi généreuse, RFAD se veut rassurant.
Je me souviens qu'en 3éme par exemple, on avait un chapitre sur "les drogues" en biologie, vague, qui évoquait les moyens d'administrations et le principe actif de chacune d'entre elles, la dépendance qu'elles pouvaient entrainer ou pas... je suis allé voir le prof à la fin d'un de ces cours en lui demandant comment se faisait-il que certaines personnes prennent ce genre de produits tout en en connaissant la dangerosité ? il m'avait par exemple expliqué que les recherches sur l'addiction des héroïnomanes en intraveineuse avaient démontré que cette pratique serait liée à une relation Mère/enfant problématique.

Je me souviens lors de ma deuxième seconde, en cours d'éducation civique, 2 types d'une association quelconque étaient venus en cours pour nous parler des plannings mis en place par la municipalité et des fameux centres d'aide qui distribuent Subutex, Méthadone et autres soins palliatifs.
Je me souviens avoir pris la parole pour leur dire que je trouvais odieux qu'on "donne" des soins à des gens qui savaient pertinemment au départ qu'une consommation répétée voir quotidienne d'heroine ou de cocaïne conduisait forcément à la dépendance.

L'opinion publique sur le sujet est ternie par un mensonge depuis les années 60-80.
Les années folles. Les années hippies qui ont enchainé rapidement sur les mouvances Punk et Skinheads. Ces époques que nous portons encore aujourd'hui, l'oncle ou le père ancien camé, le fils de la voisine mort d'overdose, les suicides sortis de cure, les semi-cadavres qui errent...
Ce genre d'exemples ont sali l'image de l'héroïne, elle est devenue synonyme de mort, de voué à l'echec, de seringue... Elle traîne le fardeau le plus "Hardcore" qu'il puisse y avoir.

Sous cette présentation fun, pleine de montages cuts et de mises en scènes délirantes que propose RFAD ?
L'Heroïne sous sa vision la plus Hardcore: seringue, dependance, prostitution !
Mais la vraie vie d'un toxicomane à l'heure actuelle n'a rien à voir avec ce qui est montré dans ce film.
Déjà un vrai toxicomane, à moins de décider d'arrêter, ne connait que très rarement le manque. Forcément ! Il est inscrit dans ces fameux plannings et il a son ordonnance au cas où.
Réalité du toxico sans argent, il va aller s'injecter son cachet de Sub et si la manche a été bonne il file Gare du Nord se chopper un fixe... Voila la réalité la plus dure qu'on trouve aujourd'hui.
Elle est finie cette époque "Moi, Christiane F., 13 ans, droguée, prostituée…"

Et non l'heroïne ne conduit pas forcément à la dépendance, la seringue et l'overdose.
"Si on regarde de plus près, les personnes qui s'engagent dans un processus de destruction avec la drogue sont des personnes qui cherchent à se détruire. Il y a un malaise existentiel qui préexiste: des gens se suicident, certains entrent dans des sectes, d'autres picolent... certains croisent la drogue, ils l'utilisent pour assouvir un désir autodestructeur préexistant. En soi, la drogue n'amène pas au suicide. Mais elle permet d'effacer le mal et de planer, ce qui forcément attire des gens qui ont mal et qui avaient mal avant de découvrir la drogue. Le problème vient donc du consommateur et pas de la drogue en elle-même. C'est le parti pris des thérapeutes en cure : faire prendre conscience qu'accuser la drogue est un acte de déresponsabilisation."
(from http://www.senscritique.com/film/Berlin_Calling/critique/15824097)

Et puis ce que je n'aime pas chez ce film, pour ce que je dis plus haut, il participe à véhiculer ce mensonge sur l'heroïne.
On oublie une chose, l'heroïne à la base est utilisée dans la médecine pour ses vertus : elle était vendue librement en pharmacie comme pilule antitussive, contre l’asthme, la diarrhée, comme somnifère pour enfants, comme anti-douleur, comme anesthésiant, antidépresseur, calmant, remède anti-tuberculose etc...
Certaines études prouveraient même que l'heroïne est moins nocive que le THC, elle n'influe pas sur le système nerveux, ne détruit aucune cellule. Plus étonnant encore, notre corps en produit déjà de base (endorphine) et des récepteurs sont prévus à cet effet.
Le veritable danger est l'addiction, hélas bien réelle.

Jean Cocteau (opiomane de renom), dans Opium: Journal d'une désintoxication, sur le manque écrit:
“Comme l'amour, comme le mal de mer, le besoin, le besoin pénètre partout. La résistance est inutile. D'abord un malaise. ensuite les choses s'aggravent. Imaginez un silence qui corresponde aux plaintes de milliers d'enfants dont les nourrices ne rentrent pas pour donner le sein. L'inquiétude amoureuse traduite dans le sensible. Une absence qui règne, un despote négatif.
Les phénomènes se précisent. Moires électriques, champagnes des veines, siphons glacés, crampes, sueur froide à la racine des cheveux, colle de bouche, morve, larmes. N'insistez pas. Votre courage est en pure perte. Si vous tardez trop, vous ne pourrez plus prendre votre materiel et rouler votre pipe. Fumez. Une pipe suffit.“

Et le risque d'overdose.
Sur l'overdose il y a un chapitre que j'avais lu très interessant où un usager prenait la parole et racontait que dans les hôpitaux, quand un patient souffre on lui donne de la morphine, mais que lorsque l'agonie s'étend les doses ne font plus effet, le malade est à 5g /jr mais avec l'accoutumance la souffrance refait surface, passé ce seuil de tolérance on overdoserait le malade. Il disait qu'il était contre l'euthanasie que propose la médecine dans ces cas, qu'il fallait accepter la souffrance pour se réconcilier avec Dieu, car Il était plus fort et que finalement la souffrance avait un sens, qu'il n'y avait pas de plaisir sans peine et que l'heroïne est une drogue spirituelle.

Cocteau écrit "L'opium devient tragique dans la mesure où il affecte les centre nerveux qui commandent l'ame. Sinon c'est un antidote, un plaisir, une sieste extrême.
(...)
Dire d'un fumeur en état continuel d'euphorie qu'il se dégrade, revient à dire du marbre qu'il est détérioré par Michel Ange, de la toile qu'elle est tachée par Raphael, du papier qu'il est sali par Shakespeare, du silence qu'il est rompu par Bach."

Il y a une magie imperceptible, une notion spirituelle et philosophique qui émane de l'univers des opiacés, Cocteau décrit lui même la désintoxication comme un arrachement, il décrit la honte et le vide, il se sent chassé de ce monde de l'esprit.
Baudelaire, de Quincey, Leon Daudet, Pierre Loti, Burroughs, Hunter S. Thompson... narrent les vertus des opiacés dans leurs écrits, et le problème de LMFAO est que ce n'est pas un film avec des couilles il conforte le citoyen moyen dans son idée que la drogue c'est mal, que la TV c'est mal, qu'avec la drogue tu peux tomber dans la prostitution comme en 1963, que tu peux te shooter dans ton abcés, parce qu'un drogué c'est con et qu'il vaut mieux rester grosse à mater la télé que suivre un regime draconien (elle faisait deja chier avec les prothéses mammaires maintenant elle a une raison de dire non au regime cette conne !)...
alors c'est très bien mis en scène, la musique avant qu'elle ne soit repompée dans tous les M6 ou autres envoyé special docus dramatico machin elle avait encore de la gueule, mais plus maintenant...
Je trouve dommage de faire un film aussi réussi et de se contenter de montrer tout ce que tout le monde sait déjà et en plus de le montrer tronqué, biaisé pour justement émouvoir, à aucun moment la magie que j'évoque n'est représentée. Aucun détail sur l'arrivée dans la drogue, du sordide direct pour faire chialer la ménagère, sans explication, aucune reference à un complexe quelconque (Cocteau commence l'Opium en réaction à la mort de Radiguet).
Non rien RFAD me fait penser à cette affiche dans ma classe en première "heroin-destruction" avec une sorte de skater-épave qui avait plus de style qu'autre chose avec cette phrase "Heroin throw you up"...

En fait s'il m'évoque tellement mon lycée ce film, c'est que c'est tout simplement un film d'ado.
sergent_mantuok
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le 27 oct. 2012

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le 27 oct. 2012

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