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Requiem pour un massacre est un film de guerre qui a été réalisé par le réalisateur russe Elem Klimov en 1985. L’histoire a lieu en Biélorussie en 1943, le film commence par un plan de deux jeunes garçons en train d’essayer de trouver une arme en creusant dans le sable. Dès cet instant, nous comprendrons l’importance de la vision de la guerre à travers le point de vue de l’enfant, qui prend cela pour un jeu au début. À la suite de ce fait, il décide de s’engager dans la résistance biélorusse contre le parti nazi. Ainsi, il va découvrir l’horreur de la guerre. La scène que nous allons étudier se situe à la fin, elle montre le personnage principal Florya qui tire sur un tableau d’Hitler et se remémore des images d’archives de la guerre à travers celui-ci. Nous allons tenter d’analyser l’usage et le sens des images d’archives à travers cette scène. Dans une première partie, nous traiterons de l’envie d’un oubli de la guerre et à la fois d’un devoir de mémoire. Puis, nous enchaînerons avec la critique de la propagande nazi, prenant un usage de documentation des images d’archives. Enfin, nous terminerons cette analyse par le thème de la destruction et plus précisément celle de l’enfance à travers la guerre.


Dans cette séquence, qui se trouve à la fin du film le jeune garçon va être confronté pour la première fois à l’action de tirer. Il va se servir de son arme pour tirer sur un tableau d’Hitler disposé par terre dans une flaque d’eau. L’enfant tire une première fois et de la boue s’ajoute sur le visage de l’ambassadeur pour le recouvrir et l’effacer petit à petit. Cette image pourrait être une image symbolique du souhait de l’enfant de le faire disparaître sous terre. C’est l’image de la mort qui circule à travers ce plan, mais aussi la volonté d’oublier et d’enterrer le mal. Le jeune garçon va donc tirer une première fois sur le tableau d’Hitler et où vont se lancer les images d’archives à travers son imaginaire. Elles débutent avec un dirigeant du parti nazi qui salue ses soldats. Puis, il tire sur lui et le plan se déforme et tout part en vrille. Les images d’archives se rembobinent dans le sens inverse. Ainsi, les grands immeubles se reconstruisent, les avions volent à reculons, les soldats courent en arrière, les bombes se font aspirer en sens inverse et reviennent dans les avions de chasse, les gros nuages de fumées se referment sur eux-mêmes pour disparaître…Nous avons l’impression que le personnage tente d’effacer la guerre et ses dégâts humains et matériels. Il est à bout de tout ce qu’il a vécu et son seul souhait c’est de tout oublier en éliminant la source du mal qui se traduit à travers le portrait d’Hitler.


Les images d’archives sont là aussi en quelques sortes pour nous remémorer, spectateurs l’horreur de la guerre. Puisque nous avons justement tendance à l’oublier dans notre monde contemporain. Elles occupent une place importante dans le film pour le devoir de mémoire : des plans choquants comme des morts brûlés figurent dans la séquence. De plus, le fait que le jeune garçon tente d’effacer ces images, nous avons au même moment une sorte de prise de conscience comme ce qu’il ne faut pas oublier, car ça fait partie de l’histoire et nous devons absolument nous rappeler qu’une telle horreur est possible et a existé. Les images nous prouvent aussi qu’une guerre peut provenir d’un homme puissant, à travers de nombreux plans sur les discours d’Hitler. Ainsi, les images d’archives à travers les tirs de l’enfant et le montage inversé nous dévoiles sa volonté d’oublier la guerre, de la tuer en quelques sortes. Mais elles prennent un double sens en nous rappelant qu’il ne faut pas l’oublier en nous remontrant toutes ces prises de vues réelles de l’horreur. À la fois donc une séquence du refus de la réalité de l’enfant et une prise de conscience de celle-ci pour le spectateur.


Après avoir vu en quoi ces images d’archives pouvaient faire à la fois double sens entre envie d’effacer cette réalité et rappel de celle-ci. Nous allons tenter d’expliquer en quoi Hitler à travers ses plans d’archives sont montrés comme un monstre à l’origine du mal.


Les nombreux plans vont montrer Hitler en train de faire des discours et en train de répandre sa propagande nazi. Il y a en quelques sortes une critique de la propagande à travers ces images. Nous comprenons la puissance du dictateur qui est acclamé par les enfants et les femmes. Il y a une sorte de gêne dans cette accumulation d’images d’archives, car Hitler est souvent transposé en voix off et il a une voix très agressive et autoritaire, de plus les plans montrent la foule soit celle qui supporte Hitler soit l’armée nazi qui prend toute la place sur les plans. Nous avons l’impression d’un étouffement, d’un manque d’espace à travers ces plans. Les drapeaux avec la croix gammée qui sont eux aussi en quantité, donnent une image d’envahissement du parti sur toute la population. Cette gêne que l’on ressent se ressent aussi sur le visage du jeune Florya qui a la rage devant toute cette cacophonie et qui tente de faire disparaître tout cela en tirant et en tirant sans cesse. Il y a une profonde critique de la jeunesse nazi avec des gros plans sur les enfants qui sourient face à Hitler qui défile sur son char en saluant avec le fameux geste. Le montage inversé permet aussi de rendre Hitler complètement ridicule à travers sa gestuelle extravagante, puisque ses mouvements deviennent inversés, il passe donc pour un clown à nos yeux.


Ensuite, il y a un travail biographique, à travers les clichés. Tout d’abord, celui de l’adulte qu’est Hitler représenté sur le tableau qui baigne dans la flaque de boue. Puis, les plans remontent jusqu’à arriver à un portrait de lui étant jeune enfant,  une photo de classe s’en suit. Enfin, on parvient à une photo où il est bébé dans les bras de sa mère. Les images d’archives ont permis de remonter en arrière dans l’histoire pour comprendre la source du mal. Dans cette démarche, l’on pourrait comparer le cinéma de Klimov a du documentaire, car c’est un réel travail de documentation qu’ils nous as procuré. Enfin, dans un sens plus global c’est surtout la figure d’un monstre qui est mis en avant : celle d’Hitler, dictateur, à l’origine de la propagande nazi qui a entraîné une extermination de masse. Les images d’archives ont un usage de critique de celle-ci à travers le travail de documentation. 

Après avoir vu que les images d’archives étaient une sorte de critique du discours nazi d’Hitler, nous allons voir que celles-ci vont avoir un impact tellement fort sur l’enfant que celui-ci va se retrouver complètement changé et transformé.


Premièrement, l’arme qu’il tient était à la base un jouet pour lui et au fur et à mesure il a compris que c’était une arme de destruction. Seulement, il ne s’en était jamais servi jusqu’à cette scène. En parallèle, nous pouvons voir une critique de la propagande biélorusse qui poussait les enfants à trouver une arme pour rejoindre la résistance. En tirant sur ce tableau d’Hitler, il détruit le mal à la base de ses souffrances, Hitler est l’origine de toute cette destruction. Mais en utilisant cette arme Florya perd l’innocence de son enfance. Il se retrouve aussi confronté au portrait d’Hitler bébé dans les bras de sa mère et hésite, va-t-il tirer sur un enfant ? Sa rage et sa haine l’ont poussé à tirer mainte fois sur le tableau pour détruire Hitler et tout ce qu’il a engendré, mais il en arrive à la conclusion que c’était un enfant, comme lui en est un, mais il se rend compte à ce moment-là que la guerre l’a changé. Lui aussi, est devenu un homme avec une arme à la main prêt à tirer. Au tout début de la séquence, Florya a un visage marqué de rides et de sécheresse. La guerre l’a fait vieillir prématurément. L’enfance est morte sur son visage, détruite par la guerre. Ainsi, la guerre détruit tout jusqu’à l’enfance même.


Ce début de séquence face caméra avec le regard dirigé vers nous, nous inclus directement dans l’horreur, l’enfer que vit Florya. Le titre original du film étant « Viens et vois » un verset de l’Apocalypse dans la Bible. Cette phrase s’adresse directement à l’enfant pour lui dire « viens » à la guerre puisque c’est ce que tu veux et que ça te fascines tant. Et « vois » ce que c’est réellement. Les images d’archives font un peu sens avec cette phrase, car Florya en nous fixant face caméra invite le spectateur à venir le rejoindre dans cet univers horrifique. Puis, les images d’archives nous indiques le « vois » ce qui s’est passé. Dans ces images nous pouvons aussi voir les enfants nazi qui se retrouvent à acclamer Hitler, il y a là aussi la destruction de leur enfance, ils se retrouvent embrigader dès leur plus jeune âge dans une éducation totalitaire. Ils perdent ainsi, toute leur innocence.


En conclusion, cet extrait du film Requiem pour un massacre à travers le procédé du montage inversé nous montres des images d’archives que tentent d’oublier le jeune garçon qui a vécu l’horreur et souhaite seulement faire marche arrière en rembobinant la pellicule. Ensuite, ces images prennent un deuxième sens, elles nous rappellent qu’il ne faut justement pas oublier et font appel à notre devoir de mémoire. Les images d’archives sont aussi là pour critiquer la propagande nazi à travers un montage dynamique et une voix off d’Hitler omniprésente qui provoquent une gêne perpétuel. Pour terminer, non pas les images d’archives en elles-mêmes, mais le fait que Florya veulent les détruire avec son arme mène à une conclusion simple : la destruction de l’enfance par la guerre. En ouverture, nous pourrions comparer cet extrait au film de Tarkovski L’enfance d’Ivan qui traite aussi d’un enfant qui rejoint une unité militaire pour combattre les nazis. Le film est tourné du point de vue de l’enfant tout comme dans Requiem pour un massacre.

MathildeThiery
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le 4 janv. 2021

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Mathilde Thiery

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