Dans la jungle des pellicules, il existe des films que l'on regrette d'avoir vu, d'autres que l'on regrette de ne pas avoir vu, et encore d'autres que l'on regrette d'avoir vu à un moment précis de sa vie.

Je m'explique.

Cette histoire un peu banale commence sur un déménagement. Pas le mien, celui de mon parrain.
Evidemment, il me faut garder certains de ses cartons pour un "petit" moment, ce qui, je le sais déjà, va envahir mon espace vital au point de me motiver pour le renier.

"Dans celui-ci y'a des vieilles VHS, tu y trouveras peut être ton bonheur"

En effet, j'y ai trouvé des souvenirs d'enfance, des étrons cinématographiques, des bons divertissements, quelques pornos, et Pulp Fiction.
Je n'avais vu aucun films de ce Tarantino, mais son nom ne m'étais pas inconnu pour autant. Nous étions en 2001, la rumeur d'un certain Kill Bill, vibrant hommage aux créations de la Shaw Bros, enflait depuis peu, et le type c'était déjà bien installé à Hollywood avec son Jackie Brown plus que succulent.
Autant vous le dire tout de suite, j'ai adoré Pulp Fiction (je vous en ferait peut être la critique, un jour, si vous êtes sages).
De retour au lycée après visionnage intensif de la dite VHS, à la fois ému et impatient de partager cette découverte avec mes rares amis, voilà que j'entends : "Quoi ? Tu ne connaissais pas Tarantino ? Sérieux ? Alors tiens, matte son premier film, Reservoir Dogs, c'est un peu comme Pulp Fiction mais en plus brouillon. ça pose les bases quoi".

"ça pose les bases..." Typiquement le genre de phrase qui m’insupporte. Une phrase d'imbécile qui sert à justifier le peu de bagage culturel de ces gens.

De retour chez moi, j'ai fait ce qui me semblait le plus juste : J'ai ouvert ce logiciel magique qui se nommait E-Mule, et j'ai téléchargé ce que je considérerais plus tard comme un chef d'oeuvre.
Je sais, c'est mal, mais je l'ai acheté par la suite, tout de même (et même en édition ultime de
la mort).
Bon, à l'époque la fibre optique n'existait pas, la simple appellation faisait frissonner tant elle semblait définir une pratique médicale mettant en scène un rectum et une caméra. J'ai attendu trois jours pour le visionner donc je l'ai mérité un peu ce film.

Je ferme les volets, j'éteins la lumière, et je lance la lecture. Et rien que la scène d'introduction me laisse sans voix.
Tous ces types qui parlent de musique, de société, de cul, sur un ton condescendant. Ces mecs sont des gangsters, ça se comprends très vite. Mais parvenir à les rendre aussi humain avec une seule scène de 10 minutes, c'est un pari risqué.
La suite arrive très vite, mais là encore c'est le choc. Tout y est chamboulé, les actions sont décousues.
C'est étrange au début, mais j'avais vu Pulp Fiction auparavant... Quand je vous disait qu'il y a des films que l'on aimerais avoir vu à un autre moment... J'aurais voulu découvrir Reservoir Dogs avant Pulp Fiction, pour me sentir encore plus dépaysé.

Je vous passe l'histoire puisque je pense que tout le monde la connait, en tout cas vous devriez.
Bon, allez, parce que c'est vous.
Huit hommes préparent le braquage d'un diamantaire. Une grosse armoire dirige le coup avec son fils. Les autres sont embauchés sur CV. Bien sur, dans le lot de ses bandits à la petite semaine se cache un flic infiltré, et tout va partir en sucette.

On découvre ainsi des hommes, ni plus ni moins. Des hommes qui ont fait le choix d'une vie complexe, sans se soucier des conventions sociales. Des voyous avec du coeur, ce qui leur cause bien des ennuis.
Ajoutez à cela des dialogues succulents mis en valeur par un huis clos prenant, une bande son aux petits oignons et la fameuse "Scène de l'oreille", et vous obtiendrez le plus humain des films de gangster, qui ne fait aucune concession sur la condition de l'être.
Un film raconte une histoire, et c'est tout ce que l'on demande à un film.
MrZef
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Créée

le 18 déc. 2012

Modifiée

le 18 déc. 2012

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MrZef

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