It's the details that sell your story

Quand on parle de Tarantino et qu'on demande à une personne quel film elle préfère de sa filmographie, quelques réponses reviennent assez souvent. Une personne de mon âge vous répondra Django Unchained. Une femme entre 25 et 40 ans vous répondra Kill Bill. Ma prof de Français de seconde vous répondra Inglorious Bastard (à elle toute seule elle ne suffit pas à faire une catégorie vous me direz, mais elle fait partie des personnes qui m'ont donné envie d'écrire, donc je me devais de la citer dans une de mes critiques, en guise de remerciement en quelque sorte). Sinon on vous dira de manière assez prévisible Pulp Fiction. Bon je vais pas vous mentir, ce "sondage" est foireux à des kilomètres, quoique sauf erreur de ma part je ne me trompe jamais. Il n'était évidemment qu'un prétexte peu inspiré pour mettre le doigt sur ce qui me chiffonne. Jamais personne ne cite Reservoir Dogs. Déjà parce que peu l'ont vu, mais aussi parce que la plupart le considèrent comme un Tarantino mineur. Si ça me chiffonne autant, c'est que Reservoir Dogs est mon Tarantino préféré. Et je ne dis pas ça parce que je veux absolument me démarquer de l'avis général. Je dis juste ça car à mon avis il est de très loin le film le plus abouti de Tarantino.


Tout commence dans un café. Huit hommes autour d'une table. Tarantino nous offre sa vision de la chanson "Like a Virgin", tout en subtilité, (vous comprendrez au bout de 30 secondes de film si vous ne l'avez pas encore vu) et Steve Buscemi nous offre sa vision du pourboire. Le tout avec des dialogues d'anthologies. Exemple parmi tant d'autres : "Shit... You shoot me in a dream, you better wake up and apologize". Quelque chose à ajouter ? Non. Je m'en doutais. Au final les huit sortent du café sur une musique des 70s sortant tout droit de l'émission fictive "K-billy the super sounds of the seventies". Le tout avec un réel savoir faire de mise en scène et de réalisation, montrant un travail minutieux sur chaque plan, et concluant cette scène par un plan transpirant la classe par tout les pores. Ça y est. Il a suffit de huit minutes de son premier film et Tarantino vient de créer, marquer et affirmer son style comme un incontournable. Certains me diront que la scène que je cite manque un peu de violence pour être représentative du style de Tarantino, mais ne vous inquiétez pas si vous voulez de la violence, le film n'est pas Rated R (interdit au moins de 16 ans) pour rien je vous le garantis, et je vous garantis aussi que cela vous fera découvrir au passage la chanson "Stuck in the middle with you" d'une manière très atypique. Applaudissez en attendant, la leçon d'écriture et de mise en scène, la leçon de cinéma quoi... Et en seulement 8 minutes de film. Et devinez la meilleure. Ces 8 minutes là ne sont rien à côté de l'heure et demi qui vous attends devant ce film. Je pourrais aborder d'autres scènes mémorable histoire d'étayer mes propos mais je ne le ferais pas. Car si vous n'avez pas vu le film, je ne veux surtout pas vous gâcher la surprise et le plaisir de la découverte, parce que quelque part, même si on dirait pas comme ça, je suis un mec plutôt sympa.


Avec tout ça je me rends compte que j'en suis arrivé à la moitié de ma critique, et je n'ai même dit de quoi parlais le film, il s'agit un braquage qui tourne mal. A ma décharge Tarantino ne montre jamais le braquage à l'écran. Un choix scénaristique assez osé quand on fait un film sur un braquage qui tourne mal. Surtout qu'il aborde à côté plein de détails sans intérêts. Ou presque. Car c'est là qu'une scène, à laquelle mon titre fait référence, prend toute son importance. Un dialogue dans lequel un personnage nous dis que ce sont les détails qui font l'histoire, ou en tout cas qui nous font y croire. Un dialogue qui nous livre de manière à peine dissimulé la clé de ce film et du cinéma de Tarantino. En effet le point central de ses histoires sont toutes ces scènes d’apparence sans intérêt, mais qui donnent pourtant à ses films toute une saveur unique, et font dans le cas de ce film, un film de braquage des plus original. L'histoire nous montre donc la préparation du braquage par des flashback et le huis-clos qui s'ensuit pour le gros de l'histoire, le tout avec un maximum de détails délicieux pour s'assurer que le film soit original et atypique. Mieux que ça. Non content de nous donner une leçon d'écriture et de mise en scène d'1h35, Tarantino nous incite à réfléchir autour de cette leçon d'écriture ainsi que de cette manière d'aborder une histoire. Brillant. Le genre d’expérience cinématographique inoubliable en d'autres mots.


Après si ce film occupe une telle place dans mon cœur c'est certainement car j'adore les huis-clos. Car ce film est un huis-clos d'anthologie. Forcément ce n'est pas le genre de film qui va à 200 à l'heure, donc cela pourra toujours déplaire à certains qui pourront trouver ce film lent. Ceux là ne savent pas ce qu'ils ratent dans leur besoin de vitesse. Les autres pourront se délecter de cette montée en tension progressive, assuré par des acteurs tous plus géniaux les uns que les autres, qui donnent de l'épaisseur aux personnages qu'ils incarnent. Le tout marchant génialement grâce aux répliques de ce film, écrites par un Tarantino sublimant un genre définitivement fait pour lui.


Un bon film comme un bon huis-clos, c'est aussi une bonne conclusion, un pinacle à la hauteur de toute la tension mise en place dans le film. Tarantino, non content de rendre hommage à Sergio Leone, (Tarantino est un cinéphile hors pair et il aime à le montrer, car c'est connu, tout ses films sont truffés d'hommages et de références, et celui-ci doit être son hommage le plus marquant) dans sa conclusion, nous livre cinq dernières minutes qui vous retourneront les tripes, un aboutissement qui vous laissera sans voix. Après toute cette tension distillé au sein du film, cette fin est un digne pinacle à la hauteur, époustouflante à tout les niveaux. A chaque fois que je les vois, ces cinq dernières minutes suffisent à me rappeler pourquoi Reservoir Dogs est mon Tarantino préféré. Cinq dernières minutes qui à elles seules me suffisaient amplement pour me convaincre de m'atteler à l'écriture de cette critique. En espérant qu'elle vous incitera à voir ce film d'ici très peu si ce n'est pas déjà fait, à le revoir sinon, et dans tout les cas à prendre autant de plaisir que moi devant ce chef d'oeuvre.

Noe_G
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le 23 janv. 2016

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Noe_G

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