derrière la comédie screwball, le vernis fifties s'écaille

Plus qu'une pépite nostalgique, Retour vers le Futur est un chef-d'œuvre du cinéma, à la manière des films de Hawks. Mais en revisitant les chouchous de la cinéphilie, il y a toujours un petit pincement au cœur ; le film aurait-il vieilli ? Nous étions-nous fourvoyés ?*
 
Bien sûr que Retour vers le Futur a vieilli. La comédie est le genre le plus exigeant, le plus référentiel, et donc le plus difficile à maintenir dans le temps**. Cette fabuleuse mécanique est un peu trop mécanique justement, elle souligne un peu trop les gags. On a parfois l'impression que les scénaristes (Robert Zemeckis et Bob Gale***) flèchent l’histoire pour le spectateur. Ainsi, quand Doc demande à Marty ce que faisait ses parents pour s'amuser quand ils étaient jeunes (ce qui est un gag en soi), on voit apparaître l'affiche d'Enchantment under the sea. Cela suffirait aujourd'hui, mais Zemeckis montre l'affiche et Marty la commente. 


Hormis ces péchés véniels, Retour vers le Futur reste un authentique chef-d'œuvre. La construction des enjeux vue comme une mécanique de précision, qui s’accumule minute après minute pour exploser dans un tonnerre final, à l’écran et dans le cœur du spectateur. 


Mais derrière la comédie screwball, deux sous-textes (au moins) viennent écailler le vernis fifties. Le racisme, le sexisme, la violence larvée de cette période prétendument dorée fait l’objet de nombreux gags doux-amers. Le sommet culminant avec le gag Chuck Berry, un paradoxe temporel à double tranchant où les petits blancs comme Zemeckis payent leurs dettes à la musique noire, tout en sous-entendant qu’elle vient du futur, et donc des blancs. 
 
Et puis l'incroyable sous-texte freudien ? Quand on aura dit que Marty doit éviter de coucher avec sa mère pour pouvoir naître, on aura dit beaucoup. Que le père, adolescent, était un voyeur frustré qui volait des petites culottes, et que la mère était une alcoolo un peu chaudasse, on aura tout dit. La morale de l'histoire, ce sont les fils qui rendent les pères virils. Et que le salut de la vieillesse viendra - comme toujours - de la jeunesse.
 
En revanche, ce qui n'a pas vieilli, c'est l’extraordinaire performance des acteurs ; le Doc (Christopher Lloyd), Marty (Michael J. Fox), mais surtout George McFly, le père de Marty, interprété par l'incroyable Crispin Glover. Être crédible à ce point dans un ado de 15 ans et un père de 50, le coinçouille des fifties et le raté des eighties, puis l'écrivain à succès dans ce futur alternatif, peu de comédiens sont capables de faire ça. 


* En tout cas, moins que la presse de l'époque...
** Les blagues sur Ronald Reagan ne fonctionnent plus avec le Professorino, par exemple.
* Qui ont dans leur contrat l'interdiction de produire une suite de leur vivant, sans leur accord.


 


cinefast

ludovico
10
Écrit par

Créée

le 14 déc. 2018

Critique lue 208 fois

ludovico

Écrit par

Critique lue 208 fois

D'autres avis sur Retour vers le futur

Retour vers le futur
Jackal
9

Mister Zemeckis, bring me a dream

1985. Marty McFly a 17 ans, et vit dans une famille de losers. George, son père, est une larve malmenée par Biff Tannen, son patron (et ancien emmerdeur/bourreau en chef au lycée). Lorraine, sa mère,...

le 15 oct. 2011

129 j'aime

5

Retour vers le futur
Taguzu
10

Retour vers mon passé

He was never in time for his class... he wasn't in time for his dinner... Then one day... he wasn't in his time at all. Aller là où il n'y a pas de route A la vue de mon avatar vous l'aurez...

le 16 sept. 2013

128 j'aime

25

Retour vers le futur
parasaurolophus
9

Un film outrageusement incohérent !

Tout ce que j'ai à dire de positif sur ce film a déjà été rabâché par tout le monde. C'est ultra culte, ça influence encore la mode d'aujourd'hui (qui, pour sa part, aime bien retourner vers le...

le 14 oct. 2010

99 j'aime

31

Du même critique

Shining
ludovico
9

Le film SUR Kubrick ?

Après le flop public et critique de Barry Lyndon, Kubrick a certainement besoin de remonter sa cote, en adaptant cet auteur de best-sellers qui monte, Stephen King. Seul Carrie a été adapté à cette...

le 7 févr. 2011

191 j'aime

86

La Neuvième Porte
ludovico
9

Un film honteusement délaissé...

Un grand film, c’est quoi ? C’est un film qui passe sur NRJ12 (en VF mal doublée), qu’on prend au milieu, et qu’on regarde jusqu’au bout, malgré l’alléchant Mad Men S05e1 qui nous attend sur Canal à...

le 23 janv. 2011

58 j'aime

3

Borgia
ludovico
3

on y a cru pendant vingt secondes, jusqu'au générique...

C'est parti pour la série événement de Canal+. Ils sont forts chez Canal, ils ne font pas de série non-événement ! Mafiosa, Braquo, Borgia : même combat. Pour cette dernière, on y a cru pendant vingt...

le 14 oct. 2011

41 j'aime

13