Le paradis blanc

J'aime les années 80. À tendance feel good mais soucieuses de nuancer, elles permettent des alchimies qu’on ne voit plus, comme dans Risky Business. Peut-être que c’est lié aux rapports parents-enfants, un peu moins tendus maintenant que la grande fracture de 68 a été assimilée. Aux États-Unis, on se rassemble plus que jamais sous le drapeau capitaliste et l’on s’engouffre tête baissée dans une nouvelle ère de gloire individualiste et insouciante : vive notre beau pays d’opportunités où tout est bon pour faire de l’argent et où aucun problème n’existe qu’un pécule ne puisse résoudre très vite.

Quoiqu'on en pense moralement, c’est cette insouciance qui baigne le film et le fait briller. La course à l’argent et la sensualité que mènent les personnages n’aurait eu cette aura à aucune autre époque. Jamais les fantasmes les plus inaccessibles du sexe, de la richesse et d’une jeunesse enthousiasmée à l’idée de porter son pays dans de nouvelles décennies de réussite économique n’ont été plus réels. Risky Business nous emmène au paradis des petits blancs privilégiés et nous en fait toucher les délices du doigt... mais non sans faire germer, chez ceux pour qui ça importe, une arrière-pensée envers les laissés-pour-comptes. Je regrette seulement le manque criant de nuance, mais peut-être l'atmosphère n'aurait-elle pas aussi bien marché avec une teneur un tant soit peu critique.

J’ignore ce qu’ils ont fait pour que Risky Business donne l’impression qu’il a été une pure joie à produire, mais tout fonctionne à merveille et tient formidablement en haleine. Cruise et De Mornay convainquent avec désinvolture que leur idylle, insidieusement intoxiquée par l’appât du gain, est un plaisir révolu qui s’en est retourné aujourd'hui au monde des fantasmes.